Quel est l’impact d’une hypocalcémie subclinique induite sur la réponse physiologique et la fonction neutrophile chez la vache laitière ?

L’objectif de cette étude réalisée aux USA était d’évaluer les conséquences physiologiques et immunitaires d’une hypocalcémie, au stade subclinique (vache restant debout), cette hypocalcémie étant induite expérimentalement. Dans la littérature, on note une très forte prévalence des hypocalcémies subcliniques (25% chez les primipares ; 47% chez les multipares).

Dans leur expérimentation, les auteurs ont utilisé dix vaches Hosltein, non gestantes et taries. Ces vaches ont été utilisées au sein d’un design en cross over (c’est-à-dire que les vaches ont successivement été soumises au traitement A puis au traitement B ou inversement), la période de wash out entre les 2 étant de 6 jours. Ainsi les vaches ont reçu un traitement permettant un état normocalcémique (fluide isotonique de NaCl en intraveineuse et administration d’un gel oral de calcium) ou un traitement induisant une hypocalcémie (via un chélateur du calcium, l’acide tétraacétique d’éthylène glycol, administré en perfusion durant 24h).

La calcémie des animaux était contrôlée toutes les heures durant l’expérimentation, de façon à maintenir des calcémies au niveau attendu (< 1 mM de calcium ionisé pour les vaches en hypocalcémie subclinique par exemple).

Les vaches étaient suivies pour un ensemble de paramètres cliniques ou physiologiques (ingestion, rumination, fréquences cardio-respiratoires, température rectale) et de paramètres sanguins (glucose, insuline, Acides Gras Non Estérifiés (AGNE), potassium, ..) et urinaires (mesure de l’excrétion de Ca).

Enfin, des numérations de la lignée blanche étaient effectuées, avec différentiation des lignées et estimation de la fonction des neutrophiles. Ces mesures étaient faites toutes les heures durant l’infusion, puis à 48 et 72h après le début de l’expérimentation.

Au final, les principaux résultats furent les suivants :

  • L’induction de l’hypocalcémie subclinique a fonctionné sur toutes les vaches, confirmant la réussite du protocole d’induction mis en œuvre (0,77 +/- 0,01 mM de Calcium ionisé sanguin dans le groupe hypocalcémie subclinique (HSC) vs 1,26 +/- 0,01 mM dans le groupe normocalcémique (NC)).
  • En conséquence, le Ca excrété par voie urinaire était plus élevé dans le groupe HSC (30,2 vs 0,21 g/j en phase pré-expérimentale), l’induction  ayant donc permis de chélater une quantité de calcium d’environ 30g. Le pH urinaire était significativement plus faible (6,2 vs 7,6) dans le groupe HSC 12 heures après le début de l’infusion.
  • Le jour de l’infusion, une baisse de l’ingestion a été notée dans le groupe HSC (5,3 +/- 0,8 kg MS/j vs 9,1 +/- 0,8 kg MS/j pour le groupe NC), ainsi qu’une baisse de la fréquence des contractions ruminales (HSC : 1,9 +/- 0,2 vs NC : 2,7 +/- 0,2 / 2 min).
  • Les fréquences et autres constantes cliniques étaient similaires entre les 2 groupes.
  • Concernant les paramètres biochimiques, on a noté durant les 24 h de perfusion une baisse de la kaliémie dans le groupe HSC (2,91 +/- 0,04 vs 3,48 +/- 0,04 mM pour le groupe NC), puis celle-ci est revenue à la normale 24 heures après la fin de l’infusion. La concentration en Mg a augmenté logiquement dans le groupe en HSC (0,93 vs 0,67 mM), pour encore une fois revenir à la normale à l’arrêt de l’induction. Les vaches en HSC avaient, comme attendu, une insulinémie plus faible (libération de l’insuline retenue lors d’hypocalcémie) entre 6 et 18h après le début de l’infusion  (1,44 +/- 0,23 vs 2,32  +/- 0,23 ng/mL), à l’origine d’une glycémie plus élevée (4,4 +/- 0,04 vs 4,17 +/- 0,04 mM) ainsi que d’une lipomobilisation plus élevée se traduisant par une élévation des AGNE (0,110 +/- 0,019 vs 0,0061 +/- 0,014 mM).
  • Concernant l’impact sur la fonction neutrophilique, les auteurs ont observé un comptage similaire entre groupes de traitement mais une activité moindre des neutrophiles des vaches en HSC, tant du point de vue de leur capacité à entrer phagocytose (22,1 +/- 2,1% vs 29,3 +/- 2,1%) que de leur capacité oxydative en présence de bactéries pathogènes (16,1 +/- 1,7% vs 24,2 +/- 1,7%). Cette baisse d’activité est probablement à relier à la moindre concentration cytosolique de Ca, nécessaire à leur activation.

En conclusion

Il ressort, dans les conditions de cette étude, que l’hypocalcémie induite expérimentalement a réduit l’appétit des bovins, modifié leur métabolisme (baisse de l’insulinémie à l’origine d’une glycémie plus forte et augmentation des AGNE), et a atteint la fonctionnalité des polynucléaires neutrophiles. Ces résultats peuvent contribuer à expliquer l’incidence plus forte de troubles de santé en péri-partum immédiat, en raison de la prévalence élevée des vaches en hypocalcémie.

Référence : Résumé Article “Effect of induced subclinical hypocalcemia on physiological responses and neutrophil function in dairy cows.” Martinez N., Sinedino L.D.P., Bisinotto R.S., Ribeiro E.S., Gomes G.C., Lima F.S., Greco L.F., Risco C.A., Glavao K.N., Taylor-Rodriguez D., Driver J.P., Thatcher W.W., Santos J.E.P. Journal of Dairy Science, 2014, (97) :874-88.