Que penser de la sélection des vaches laitières sur la réduction de la concentration en cellules somatiques du lait ?

La concentration en cellules somatiques du lait (CCS) constitue un indicateur indirect d’une infection mammaire en médecine individuelle, mais aussi un critère épidémiologique pour la gestion de la santé du troupeau et de la qualité du lait. La CCS est par ailleurs, au niveau génétique, un critère d’évaluation de la résistance ou de la sensibilité des vaches laitières aux infections mammaires : la sélection attribue une valeur supérieure aux reproducteurs dont la descendance présente les plus faibles niveaux de CCS. S’il y a consensus sur le fait de pénaliser les CCS les plus élevéesil est possible de s’interroger sur la pertinence d’évoluer vers des CCS faibles, voire l’absence de cellules … quand on sait que les CCS mesurent les concentrations en leucocytes qui ont aussi un rôle de défense de la mamelle vis-à-vis des infections.

La présente publication a pour objectif de tenter de répondre à la question suivante : « Doit-on craindre d’arriver notamment par la sélection à de trop faibles concentrations du lait en cellules somatiques, qui sont à la fois les témoins d’une infection et les acteurs de la défense immunitaire de la mamelle ? ». Les auteurs essayent d’y répondre à la lumière de publications récentes.

Les principales réflexions engagées par les auteurs de la publication sont les suivantes :

  • Les enquêtes épidémiologiques qui ont récemment traité de la relation entre valeurs des CCS et sensibilité aux mammites aboutissent souvent à des résultats contradictoires. Cela résulte notamment de la diversité des situations de terrain analysées : mammites cliniques ou subcliniques, CCS mesurées au niveau du quartier, de la vache ou du tank …
  • L’analyse et la compréhension de la nature des cellules du lait permet d’avancer significativement sur la question. Les cellules somatiques du lait incluent les cellules leucocytaires (macrophages, lymphocytes et granulocytes neutrophiles) et les cellules du tissu mammaire (notamment épithéliales). Les neutrophiles sont majoritaires en cas d’infection mammaire alors que macrophages et lymphocytes prédominent dans la mamelle saine. La sélection contre des CCS élevées viserait donc les neutrophiles du lait et serait une sélection contre l’inflammation;  la sélection pour des valeurs de CCS faibles ciblerait macrophages et lymphocytes, en conséquent constituerait une contre-sélection de la réactivité de la mamelle aux infections.
  • La notion de barrière leucocytaire (protection de la mamelle vis-à-vis d’une nouvelle infection grâce à un nombre élevé de leucocytes) est discutée. Mais là encore, les résultats d’expériences récentes sont contradictoires.
  • Les lymphocytes et macrophages du lait, souvent présentés comme cellules « résidentes », sont sans doute à de trop faibles concentrations dans la mamelle saine pour exercer un rôle de première ligne de défense du tissu mammaire.
  • L’épithélium mammaire joue un rôle de sentinelle et de deuxième ligne de défense, après le canal du trayon.
  • A la question « Les CCS peuvent-elles être trop basses ? », les auteurs donnent 2 éléments de réponse :
  • De très faibles valeurs de CCS peuvent indiquer une plus forte sensibilité aux infections … à nuancer cependant en fonction de la rapidité et de l’adéquation de la réponse inflammatoire ? Sans doute existerait-il une légère différence de sensibilité entre mamelles saines à faibles et très faibles CCS …
  • L’augmentation de sensibilité aux infections des mamelles à faibles CCS par rapport aux glandes à fortes CCS n’est pas la conséquence de la sélection de la descendance sur la base des CCS.

Conclusion

La sélection basée sur les concentrations cellulaires somatiques (CCS) n’altère pas la réactivité de la mamelle à l’infection. En l’absence d’infection, les valeurs de CCS restent très faibles et ne sont pas modifiées par la sélection.

Une sélection efficace consisterait à obtenir des troupeaux à faible CCS et bonne productivité, donc à forte proportion de mamelles « réceptives » mais globalement génétiquement plus résistantes.

Résumé Publication “Faibles concentrations cellulaires du lait et sensibilité aux mammites des ruminants laitiers.” Rainard P., Foucras G., Boichard D., Rupp R. INRA Productions Animales. 2018. 31(4) : 365-376. AD-R-FR-NON-190600002