La lactoferrine affecte l’adhérence et l’invasion de Streptococcus dysgalactiae ssp. dysgalactiae dans les cellules épithéliales mammaires

La lactoferrine est une protéine de l’immunité, principalement secrétée in vivo par les neutrophiles et le tissu glandulaire. Elle possède des propriétés intéressantes (rôle immunomodulatoire, antiprolifératif, aptitude à se fixer au fer et donc à limiter l’approvisionnement des bactéries ayant des besoins importants pour se développer comme E. coli ou S. aureus).  De fait, elle peut exercer une action bactériostatique et bactéricide vis-à-vis de certains pathogènes et constitue un moyen de défense de la mamelle (par exemple, en milieu de tarissement, sur une mamelle involuée, alors que la concentration en citrate diminue et celle de lactoferrine augmente, action bactéricide vis-à-vis d’E. coli).

Différentes études (Park et al, 2002; Patel et al, 2009) montrent que Str. uberis en revanche peut se fixer à la lactoferrine grâce au SUAM – (Streptoccocus uberis Adhesion Molecule), et soulignent le rôle clé de la lactoferrine dans la pathogénie d’infections mammaires à Str. uberis. En effet, lactoferrine joue alors le rôle d’un « pont » entre  Str. uberis et les cellules épithéliales mammaires (présence de récepteurs à la lactoferrine). Elle permet à Str. uberis d’adhérer, d’envahir et de s’internaliser dans les cellules épithéliales mammaires.

Une étude de Chaneton et al (2008) a démontré que lors de mammites subcliniques à Str. uberis, la concentration de lactoferrine dans le lait augmentait de manière significative par rapport à la concentration mesurée dans des quartiers non infectés. L’hypothèse alors avancée de cette différence est que les souches de Str. uberis sont résistantes à l’activité de la lactoferrine bovine et que des concentrations importantes de lactoferrine favorisaient la pathogénie des infections intra-mammaires à Str. uberis in vivo.

Les objectifs de l’étude présentée ci-après étaient :

–      d’analyser les interactions in vitro entre la lactoferrine et Str. dysgalactiae, pour déterminer si la lactoferrine combattait ou favorisait le développement d’infections intra-mammaires à Str. dysgalactiae.

–      de réaliser des essais in vivo afin de quantifier les modifications de concentration en lactoferrine suite à une infection intra-mammaire expérimentale réalisée avec Str. dysgalactiae.

Dans ce but, les auteurs ont travaillé à partir d’un isolat de Str. dysgalactiae (Str. dysgalactiae ssp. dysgalactiae DPC5345), collecté sur un cas de mammite clinique bovine. Cinq vaches laitières « saines » sur le plan mammaire ont été intégrées dans l’essai (concentrations en cellules somatiques < 200 000 cell/mL  et examens bactériologiques des laits de quartier réalisés quotidiennement durant les 7 jours précédant le challenge expérimental conduisant tous à l’absence de détection de germes pathogènes). Le challenge  a consisté à administrer dans une solution 2 500 UFC de Str. dysgalactiae ssp. dysgalactiae DPC5345 dans un quartier, le quartier ipsilatéral recevant lui la même solution, sans l’ajout de la bactérie). Des prélèvements stériles de lait ont été réalisés sur les quartiers ayant subi le challenge et les quartiers témoin, le premier juste avant l’injection des solutions dans le quartier, puis 7h, 24 h, 48 h, 7 j et 154 j post-infusion. Les concentrations de lactoferrine dans le lait ont été déterminées par un test ELISA. Pour l’étude in vitro, les auteurs ont utilisé des lignées cellulaires épithéliales mammaires murines HC-11.

Il en ressort les résultats principaux suivants :

–  Les quantités de lactoferrine ont été significativement supérieures dans les quartiers « infectés » par rapport aux « témoins » 48 h après infusion.

–  L’étude in vitro a montré que la lactoferrine exerçait un effet bactériostatique sur la croissance de Str. dysgalactiae ssp. dysgalactiae DPC5345 et diminuait de manière significative son aptitude à s’internaliser dans les cellules épithéliales mammaires HC-11.

–  Des examens microscopiques ont montré que des cellules HC-11 exposées à  Str. dysgalactiae et ultérieurement à de la lactoferrine étaient moins sujettes à leur invasion par la bactérie.

En conclusion, ces informations combinées amènent les auteurs à penser que la réponse immunitaire bovine à une infection intra-mammaire par Str. dysgalactiae entraîne in vivo une élévation significative du niveau de lactoferrine dans le lait et que, d’après les résultats de l’étude in vitro,  la lactoferrine limite l’invasion des cellules épithéliales par Str. dysgalactiae. Les auteurs insistent sur le fait que les relations entre la lactoferrine et une bactérie sont vraiment spécifiques de l’espèce bactérienne considérée.

Référence : Résumé Article “Lactoferrin affects the adherence and invasion of Streptococcus dysgalactiae ssp. dysgalactiae in mammary epithelial cells.” O’Halloran F., Beecher C., Chaurin V., Sweeney T., Giblin L. Journal of Dairy Science 2016, (99): 4619-4628.