Brèves de traite – août 2019

LOCOMOTION : impact des pédiluves sur la dermatite digitée

L’utilisation de pédiluves dans des protocoles de prévention et de traitement de la dermatite digitée (maladie de Mortellaro) aurait une efficacité limitée : une équipe canadienne a réalisé une revue bibliographique exhaustive (jusqu’à mars 2018) des études évaluant l’intérêt de différents protocoles de passage en pédiluves de vaches laitières pour la prévention et le traitement de la dermatite digitée (DD). Une méta-analyse a été effectuée sur 11 études avec 17 protocoles différents comparés en vue de la prévention des lésions de DD, puis 10 études évaluant 19 protocoles différents en vue du traitement des lésions de DD.  Dans ces études, les protocoles avec pédiluves étaient souvent comparés à des témoins négatifs (pas de pédiluve) ou positifs (placebo). Mis à part l’utilisation d’une solution de sulfate de cuivre à 5 % (4 fois par semaine), aucun autre protocole incluant un pédiluve ne s’est montré significativement supérieur en termes d’efficacité (prévention ou traitement de la DD) à un protocole témoin sans pédiluve ou avec placebo. Cependant, certaines études ayant été conduites sur des effectifs limités de vaches, des protocoles standardisés sur de plus larges effectifs mériteraient d’être testés (Jacobs et al, Preventive Veterinary Medicine, March 2019, Volume 164, 56-71).

BIEN-ÊTRE : relation entre bien-être et performances de reproduction

Il existe une relation positive significative entre le bien-être des vaches laitières et l’Intervalle Vêlage-IA1 : cette vaste étude rétrospective, réalisée par 3 équipes INRA en France, a concerné 124 élevages laitiers pour un total de 3.951 IA, en intégrant 11 critères de bien-être animal (BEA) et les critères majeurs de la reproduction.  Ainsi, l’Intervalle moyen Vêlage-1ère insémination a été significativement meilleur sur les vaches issues d’élevages à niveau élevé de BEA ; a été observée une tendance à une relation entre cet intervalle et l’absence de blessures d’une part, l’expression d’un comportement social d’autre part. Le pourcentage de vêlage après IA était significativement corrélé à de bonnes conditions de logement ; une tendance favorable a été également mise en évidence pour ce critère de reproduction chez les vaches sans blessures et ne souffrant pas de « faim » prolongée. (Grimard et al, The Veterinary Journal, 2019, 248, 1-7).

GENISSE: infection mammaire à SCN en début de lactation et production laitière

Une infection mammaire par des Staphylocoques « coagulase-negative » (SCN) au démarrage de la lactation de génisses laitières aurait peu d’impact sur la production laitière ultérieure : c’est la conclusion d’une étude menée par 2 équipes, belge et suisse, sur 324 quartiers issus de 82 génisses laitières Holstein provenant de 3 élevages équipés de robots de traite. Ces femelles avaient été infectées dans les 4 premiers jours de lactation par des SCN et elles ont été suivies du vêlage jusqu’à 4 mois de lactation. Une légère augmentation du comptage cellulaire a été observée sur les quartiers infectés par rapport aux quartiers sains. Cependant, le taux de prolactine ainsi que la production laitière sur les 4 premiers mois de lactation n’ont pas différé entre quartiers infectés et non infectés (Valckenier et al, Journal of Dairy Science, April 2019, In press).

ENVIRONNEMENT : impact économique de l’émission de méthane

L’impact économique négatif de l’émission de méthane est estimé à 1.68 £* par kg de gaz et par lactation : une équipe anglaise associée à des économistes australiens a évalué l’impact économique de l’émission de méthane (CH4) par les vaches laitières, afin d’évaluer l’intérêt d’une sélection génétique sur une moindre émission de gaz en comparaison à d’autres critères. La perte a été évaluée pour le méthane d’origine digestive à 1.68 £ par kg et par lactation, valeur proche de celle calculée par exemple pour la mammite (en termes de perte : 1.55 £ par % d’infection mammaire). Cependant, l’impact économique de cette émission de méthane est moindre par rapport à celui estimé pour d’autres critères comme le taux de survie des vaches, la composition et le niveau de production laitière, l’intervalle entre vêlages ou le niveau d’ingestion alimentaire. Par ailleurs, en termes de sélection, des améliorations sur l’indice de consommation seraient plus efficaces pour réduire les émissions de gaz : ce paramètre d’efficience alimentaire est plus facilement mesurable, la production de CH4 étant liée à l’ingéré alimentaire et la transformation de l’énergie de la ration (Bell et al, American Research Journal of Agriculture, 2016, Volume 2, 1-17). (*NDLR : 1 £ = 1,11 €)

VEAU LAITIER : indicateurs précoces d’une infection néonatale à Rotavirus

Des indicateurs comportementaux et physiologiques permettent d’anticiper une infection à Rotavirus chez les veaux laitiers : des scientifiques néo-zélandais ont comparé différents indicateurs chez des veaux laitiers infectés expérimentalement et des veaux « témoins » (non infectés). Ils ont évalué un certain nombre de critères comportementaux (couchage, alimentation, abreuvement, …) et physiologiques (température corporelle déterminée par thermographie infrarouge), depuis le moment de l’infection jusqu’après l’apparition de signes cliniques. En conclusion, un certain nombre de paramètres se sont révélés être de bons indicateurs précoces de l’infection (avant survenue des premiers symptômes) : baisse de la consommation de lait, augmentation de la température corporelle, épisodes de couchage moins nombreux mais plus longs, durée augmentée lors de passage à l’abreuvoir (Lowe et al, Journal of Dairy Science, June 2019, 102, 6, 5389-5402).

SOCIOLOGIE : maladies iatrogènes et mauvaises pratiques d’élevage

Les maladies iatrogènes, liées à de mauvaises pratiques ou à une insuffisance de technicité, sont très majoritairement imputables aux éleveurs dans les élevages bovins laitiers italiens : une enquête rétrospective a été réalisée sur 4.262 cas cliniques enregistrés entre 2005 et 2017 à l’hôpital vétérinaire de l’Université de Milan en Italie. De cette base ont été extraits 121 cas (2.8 %) d’origine iatrogène. L’analyse de ces cas a permis de conclure que 92.6 % étaient imputables aux éleveurs versus 7.4 % aux vétérinaires praticiens bovins. Les causes de ces affections iatrogènes étaient dans l’ordre : mauvaise administration de médicaments vétérinaires (43 %) ; extraction forcée durant le vêlage (19.8 %) ; alimentation forcée du veau avec le lait ou le colostrum, soit avec un biberon (14.9 %), soit par intubation œsophagienne (15.7 %). Les auteurs concluent que les éleveurs réalisent souvent des actes médicaux, zootechniques ou de « nursing », sans formation initiale adéquate ; le rôle du vétérinaire dans l’éducation des éleveurs, notamment dans le domaine de la néonatalogie, est essentiel, de même que le « tutoring » et la qualité de la communication. C’est une condition importante pour optimiser l’administration des médicaments, prévenir l’antibiorésistance et réduire les coûts de traitement (Sala et al, Veterinary Record Open, 2019, 6, e000254).

PARASITISME : fasciolose hépatique et reproduction de la vache laitière

Des vaches laitières infestées par Fasciola hepatica se caractérisent une augmentation significative de leur intervalle Vêlage-1ère mise à la reproduction : la Faculté Vétérinaire de Hanovre a pour objectif dans cette publication d’évaluer une association possible entre l’infestation par la Grande Douve du foie (sur la base de coproscopies et non de sérologies) et les paramètres de reproduction et de production laitière. L’analyse a été réalisée sur 2.006 prélèvements fécaux issus de 1.166 vaches laitières Holstein réparties dans 17 élevages de petite ou moyenne taille. Les prévalences d’infestation ont été de 35 % au niveau des élevages et 9 à 10 % au niveau des animaux. Il n’a pas été trouvé de relation significative entre statut infesté et qualité du lait ou production laitière, si ce n’est une tendance à de moindres taux en protéines et matières grasses du lait (respectivement -0.06 et -0.10 %). L’Intervalle Vêlage-1ère mise à la reproduction a été significativement augmenté de 4.69 jours chez les vaches infestées (May et al, Veterinary Parasitology, February 2019, 267, 32-41).

TRAITE : contamination de la peau des trayons et infections intramammaires

La présence de Staphylococcus aureus et Streptococcus agalactiae sur la peau des trayons est un facteur de risque pour les infections intramammaires par ces mêmes germes : l’objectif de l’équipe danoise en charge de cette étude était de rechercher une association entre la colonisation de la peau des trayons et les infections intramammaires à Staphylococcus aureus et Streptococcus agalactiae à l’échelle du quartier dans des élevages laitiers équipés de robots de traite. Des prélèvements de peau de trayon et de lait ont été réalisés sur 1.142 quartiers provenant de 300 vaches avec un comptage cellulaire supérieur à 200.000 cellules par ml dans 8 élevages positifs à S. agalactiae. Tous les prélèvements ont été soumis à la bactériologie après mise en culture. Seulement 287 ont fait l’objet d’une recherche PCR complémentaire. La bactérie S. agalactiae a été isolée dans 14 % des prélèvements de lait et 18 % des prélèvements de peau de trayon, avec 5.6 % des quartiers positifs aux 2 types de prélèvements. La bactérie S. aureus a été isolée dans 10 % des prélèvements de lait et 16 % des prélèvements de peau de trayon, avec 0.7 % des quartiers positifs aux 2 origines de prélèvements. Les « risques relatifs » (« Odds Ratio ») de contracter une infection intramammaire en cas de contamination initiale de la peau du trayon sont respectivement de 3.8 et 7.8 pour S. agalactiae et S. aureus. L’hygiène des trayons est évidemment particulièrement recommandée dans un contexte d’utilisation d’un robot de traite en élevage (Svenessen et al, Journal of Dairy Science, 2018, 102, 629-639).

ALTERNATIVES : les probiotiques dans le contrôle des mammites

Il n’y a pas de fondements scientifiques en faveur de l’utilisation des probiotiques dans la prévention et le traitement des mammites : une équipe INRA/ENVT a réalisé une revue critique exhaustive visant à faire le point sur l’intérêt des probiotiques dans le contrôle, curatif ou préventif, des mammites de la vache laitière, dans une optique de réduction de la prescription des antibiotiques en élevage laitier. Certains mécanismes d’action des probiotiques (essentiellement des bactéries lactiques, par voie orale) sont ainsi évoqués, comme la production de bactériocine, la capacité d’adhérence aux cellules épithéliales ou le déclenchement d’une réaction pro-inflammatoire avec afflux de neutrophiles dans le lait. Cependant, n’est jamais démontrée la capacité de ces probiotiques à traiter des cas de mammites. Même si cette approche est séduisante, il n’y a donc pas aujourd’hui de preuve de l’efficacité des probiotiques par voie locale, pour interférer favorablement avec le microbiote de l’apex des trayons ou bien pour prévenir la colonisation du canal du trayon par des bactéries pathogènes (Rainard et Foucras, Frontiers in Veterinary Science, October 2018, Volume 5, Article 251).

ANTIBIORESISTANCE : persistance et diffusion de SARM en élevage laitier

Des souches de Staphylocoques résistants à la Méthicilline (SARM) variant mec-C peuvent persister durant des années dans les mêmes élevages laitiers et se disséminer de vache en vache par l’intermédiaire des machines à traire : une étude rétrospective coordonnée par l’ANSES de Lyon a été menée dans des élevages de Meurthe-et-Moselle, suite à une première enquête qui avait mis en évidence des souches de SARM porteuses du gène mec-C (codant une protéine additionnelle liant la pénicilline ou PLP, qui présente une affinité réduite pour l’ensemble des bêta-lactamines*) dans 4 élevages de ce département (situés dans un périmètre de 30 kms) entre 2008 et 2013.

La présente étude a inclus ces mêmes 4 élevages, mais aussi 14 autres fermes laitières au sein de ce même périmètre. Des isolats de Staphylococcus aureus ont été mis en évidence dans 12 élevages sur 18 : 8 avec des souches sensibles à la méthicilline (MSSA) et 4 avec des souches résistantes à ce même antibiotique (MRSA porteurs du gène mec-C) dans les 4 mêmes élevages trouvés positifs lors de la première enquête ! Dans un de ces 4 élevages (enquête approfondie), la prévalence de ces SARM était de 22,2 % pour les vaches laitières ; aucune contamination n’a été détectée au niveau des veaux, chiens ou humains présents dans l’exploitation. 16 quartiers (provenant de 7 vaches porteuses du gène sur les 10 au total) ont été trouvés positifs dont 13 en relation avec une mammite subclinique. Une corrélation significative a été trouvée entre le taux de cellules et la numération bactérienne (nombre de colonies de MRSA par ml). Les 26 souches testées par antibiogramme ont montré une résistance à la méthicilline** pour 88.5 % des isolats.

Pour conclure, la persistance et la diffusion de souches de SARM « mec-C positive » semblent importantes dans les élevages laitiers infectés, avec une fréquence augmentée de mammites subcliniques, un impact économique et un risque professionnel potentiel pour les éleveurs, même si aucune souche n’a été retrouvée sur les êtres humains en contact avec les élevages (Bietrix et al, Frontiers in Microbiology, January 2019, 10, Article 47).

(*NDLR : la résistance des souches de MRSA est classiquement conférée par des éléments génétiques mobiles, dénommés « SCCmec », contenant très souvent le gène mec-A, plus répandu que le gène mec-C.)

(**NDLR : d’après Haenni et al, 2012 : “Cependant, cette résistance s’avère phénotypiquement difficile à détecter en raison d’augmentations très variables des concentrations minimales inhibitrices d’une bêta-lactamine à l’autre, ce qui entraîne une mauvaise détection de certaines des souches par les automates d’analyses classiquement utilisés en routine.”)

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