Brèves de traite – août 2020

MAMMITES : épidémiologie de souches de S. aureus en élevage

Deux sous-types de Staphylococcus aureus, différents en termes de prévalence et de traits phénotypiques, sont associés à la persistance de la bactérie en élevage, en relation avec des infections intramammaires contagieuses. Des scientifiques de la Faculté Vétérinaire de Vienne (Autriche) ont collecté 58 isolats de S. aureus sur une période de 3 ans et provenant de 12 vaches infectées parmi 25 animaux d’un seul élevage laitier. Ils ont mis en évidence 2 sous-types différents mais persistants en élevage : ❶ une souche sensible à la méticilline (ST9 (CC9)-MSSA), à forte prévalence intra-troupeau, caractérisée par une forte capacité d’invasion des cellules de la glande mammaire, une faible cytotoxicité et l’aptitude à produire un biofilm ; ❷ une souche à faible prévalence intra-troupeau (LP/ST504), capable de se nicher au plus profond du tissu mammaire. Ces 2 clones ont par ailleurs un profil semblable quant à leurs gènes de virulence et à leur sensibilité aux antibiotiques. Les auteurs mettent en évidence que la souche fortement prévalente, capable de diffuser d’une vache à l’autre au sein d’un troupeau laitier et d’y persister à long terme, est mise en évidence dans d’autres espèces (humaine et porcine), susceptibles de jouer un rôle de « réservoirs ». (Grunert et al, Scientific Reports, 2018, 8 : 15968).

TRAITE : facteurs de variation de l’éjection du lait

La proportion de vaches avec un retard à l’éjection du lait, dans les fermes pratiquant la traite manuelle, est associée négativement avec le temps moyen passé à la stimulation tactile en phase de prétraite, et positivement avec la taille de l’élevage. Les auteurs américains ont suivi 64 troupeaux laitiers du Michigan, ayant en moyenne 294 vaches (pour 36,8 kg de lait par vache et par jour), pratiquant la traite manuelle (étaient exclus les élevages « biologiques » et les élevages avec robots de traite). Une main d’œuvre extérieure était employée par 97 % des élevages. Au total, 3.824 traites individuelles (60 par élevage en moyenne) ont été analysées. Le temps moyen de stimulation de la mamelle en prétraite a été de 14,2 secondes (2,4 à 21,1) ; le délai moyen entre le début de la stimulation et l’attachement des gobelets a été de 103 secondes. Une éjection retardée du lait (délai entre la pose des gobelets trayeurs et la phase de débit ou flux de lait > 30 secondes) a été observée sur 25 % des vaches en moyenne au sein d’un troupeau. En prenant le seuil de 300 vaches par troupeau, le temps de massage de la mamelle était en moyenne de 8,8 secondes (troupeaux ≥ 300 animaux) versus 19,2 secondes (élevages < 300 vaches). Les auteurs évoquent un temps de stimulation de la mamelle qui devrait être au moins de 15 secondes, suivi d’un délai de 45 secondes jusqu’à la pose des gobelets : cependant, ces délais peuvent s’avérer « limites » sur des vaches très hautes productrices et/ou en début de lactation. (Moore-Foster et al, Journal of Dairy Science, 2018, 102, 696-705).

REPRODUCTION : mammites et performances de reproduction

L’intervalle entre vêlage et insémination fécondante est allongé de 32 et 20 jours chez des vaches atteintes respectivement de mammites cliniques et subcliniques avant ou après l’IA par rapport à des vaches saines. Les auteurs américains (Université de l’Ohio) ont réalisé une méta-analyse de 29 publications internationales étudiant l’impact des mammites sur différents paramètres de la reproduction des vaches laitières : délai vêlage-1ère IA, délai vêlage-IA fécondante, nombre moyen d’IA pour obtenir une gestation, taux de réussite en première IA, pertes durant la gestation. Il faut en moyenne 0,75 IA de plus pour obtenir une gestation chez les vaches atteintes de mammites autour de l’IA. Le taux de réussite en première IA est diminué, en valeur relative, de 21 % pour les vaches infectées avant ou après l’IA. (Dolecheck et al, Journal of Dairy Science, 2019, 102 : 8454-8477).

SANTE : ulcère de la caillette et inflammation de la bourse omentale

Le diagnostic ante mortem de l’ulcère de la caillette de type 5 doit être amélioré en élevage, en particulier par le recours plus fréquent à certains examens de routine, comme l’échographie abdominale et l’abdominocentèse sur des vaches avec ascites. L’équipe vétérinaire de la Faculté de Zürich a réalisé une analyse rétrospective de 14 cas d’ulcère de la caillette de type 5 (perforation de la caillette dans la bourse omentale induisant une bursite omentale), sur la base des données cliniques et nécropsiques. Les vaches laitières ont été euthanasiées suite à une évolution rapide de l’infection (moins de 2 jours pour la moitié des animaux). Les observations cliniques les plus fréquentes ont été dans l’ordre : anorexie complète (100 %), tension abdominale (100%), troubles du comportement (93%), congestion et sclérose vasculaires (79%), tachypnée (71%), atonie ruminale (64%), diminution de l’excrétion fécale (64%), hypothermie cutanée (64%) et fièvre (46%). Les analyses de laboratoire ont mis en évidence les conséquences biologiques les plus fréquentes: hypokaliémie (71%), hémoconcentration (57%), acidose métabolique (57%) et azotémie (43%). (Braun et al, Acta Veterinaria Scandinavica, 2020, 62: 4).

ANTIBIORESISTANCE : profil de souches de Klebsiella responsables de mammites

La résistance aux antibiotiques de souches des espèces Klebsiella et Raoultella, impliquées dans des mammites cliniques de la vache laitière, est globalement faible, même si certains isolats avec une parenté génétique se caractérisent par une moindre sensibilité.  L’équipe de l’Université de Montréal souhaitait caractériser les souches de Klebsiella impliquées dans des épisodes de mammites cliniques au Canada. En effet, très peu d’études ont été publiées quant à la caractérisation de ce genre bactérien responsable de pertes économiques non négligeables dans ce pays. Au total, 53 souches ont été isolées puis séquencées. L’espèce très majoritaire retrouvée a été Klebsiella pneumoniae (40 isolats), suivie de Klebsiella oxytoca (9 souches). A noter également 2 isolats de Raoultella, un genre bactérien précédemment classé avec Klebsiella et récemment renommé (2001). 31 des 53 isolats (soit 58 %) ont été sensibles à tous les antibiotiques testés. Pour les autres isolats, la résistance observée à 1 ou plusieurs antibiotiques a été par ordre décroissant à la streptomycine (38 %), la tétracycline (19 %), la spectinomycine et le sulfisoxazole (13 % chacun) et enfin la kanamycine (2 %). Globalement aucun des isolats n’avait de lien épidémiologique, ce qui souligne leur origine environnementale. (Massé et al, Journal of Dairy Science, February 2020, in press).

BIEN-ÊTRE : relations comportement-performances de production

Les relations entre le comportement (couchage, alimentation) et les performances de production (poids vif, ingéré alimentaire, niveau de production laitière) sont d’abord influencées par la race et la parité. Cette étude danoise a analysé les données de 255 lactations de vaches de races Jersiaise (43 primipares, 80 multipares) et Holstein (56 primipares et 76 multipares) entre 5 et 200 jours de lactation. Différents critères ont été évalués quotidiennement : temps de couchage et déplacements (nombre de pas) à l’aide de capteurs positionnés sur les pattes, ingéré alimentaire grâce à un système de pesée au niveau des auges, poids vif et quantité de lait par les robots de traite. Des différences significatives ont été observées entre les 2 races : les vaches Holstein passent plus de temps à se coucher et s’alimenter que les Jersiaises, qui se déplacent par contre plus en nombre de pas. La parité est également un facteur de variation important. Les primipares prennent plus de temps à s’alimenter et se déplacer que les multipares. Les multipares passent plus de temps couchées que les primipares juste après le vêlage, mais cette différence s’atténue ensuite en début de lactation. En fin de lactation, les multipares passent à nouveau plus de temps couchées que les primipares. Enfin, une augmentation de la fréquence d’alimentation chez les vaches Holstein multipares est corrélée à un accroissement du temps de couchage. (Munksgaard et al, Journal of Dairy Science, 2019, 103, 17565).

LOCOMOTION : prédiction des boiteries chroniques par des biomarqueurs du lait

Une corrélation significative existe entre la présence de certains biomarqueurs dans le lait, indicateurs de maladies métaboliques, et l’apparition de boiteries chroniques durant la lactation.  Des chercheurs autrichiens, aidés par une équipe belge, avaient pour objectif d’établir si certains composants du lait (biomarqueurs métaboliques) pouvaient constituer de bons prédicteurs des épisodes de boiteries chroniques apparaissant en cours de lactation. Les données de 6.292 vaches ont été étudiées, provenant de 161 élevages laitiers autrichiens, entre mars 2014 et mars 2015. Une technologie infrarouge a été utilisée sur le lait pour caractériser certaines molécules prédictrices d’affections métaboliques (acide oléique, β-hydroxybutyrate, citrate, acétone).  Les boiteries ont été évaluées sur une échelle allant de 1 à 5. Les maladies métaboliques se déclarant dans les 3 premiers mois de lactation semblaient bien corrélées aux effets à long terme des pathologies locomotrices (pieds et pattes). Les biomarqueurs métaboliques les plus significativement reliés aux boiteries ont été l’acide oléique et le citrate. (Mineur et al, Journal of Dairy Science, 2019, 103, 16826).

GENISSE : impact du poids vif sur la production laitière des 3 premières lactations

Il existe une relation curvilinéaire positive entre le poids vif des génisses laitières et leur production laitière sur les 3 premières lactations : des scientifiques néo-zélandais ont étudié la relation entre le poids vif des génisses laitières (tous les 3 mois entre 3 et 21 mois) et leur production laitière corrigée ; la base analysée a concerné plus de 140.000 animaux appartenant à 5 races : Holstein(-Frisonne), Croisée Holstein, Jersiaise, Croisée Jersiaise, Croisée Holstein x Jersiaise. Une relation curvilinéaire positive a été trouvée entre le poids vif à tout âge mesuré et la production laitière corrigée par l’énergie, ceci pour toutes les races. L’aspect curviligne a été plus marqué sur les 3 premières lactations cumulées que sur la première lactation. Ainsi, pour la race Holstein, le poids vif correspondant à une production laitière corrigée maximale (1ère lactation et sur le cumul des 3 premières lactations) est d’environ 370 kg à 12 mois d’âge, 565 kg à 21 mois d’âge. A comparer avec le poids vif moyen des génisses Holstein sur l’échantillon entier à ces 2 âges, respectivement de 256 et 447 kg ! L’âge moyen au premier vêlage était de 2 ans (21 à 29 mois). La relation entre l’accroissement de la production laitière et l’augmentation du poids vif est plus forte chez les génisses les plus légères au départ.  (Handcock et al, Journal of Dairy Science, 2019, 102, 4577-4589).

DIAGNOSTIC : nature des souches de Streptococcus uberis, test de diagnostic et intelligence artificielle

L’analyse des profils de souches obtenus avec le test Maldi-Tof, à l’aide des outils de l’Intelligence Artificielle fournies par l’Intelligence Artificielle (algorithmes génétiques), s’est montrée utile dans la prédiction de l’origine contagieuse ou environnementale des mammites à Streptococcus uberis : c’est la conclusion de travaux anglais menés par l’Université de Nottingham. Les auteurs ont repris une base d’isolats de la bactérie obtenus dans 52 élevages qui présentaient, sur une année, au moins 35 cas de mammites cliniques pour 100 vaches (66 cas en moyenne dans cet échantillon, avec un pourcentage moyen de 28 % des cas cliniques dus à Streptococcus uberis). Une technique de typage de séquences multifocales (MLST), trop coûteuse pour un usage en routine, a permis de classer les souches selon le « réservoir », mammaire ou environnemental. Ont été sélectionnés 19 troupeaux laitiers pour lesquels ont été isolés à la fois (dans le même élevage) des souches d’origines environnementale et contagieuse. Une analyse par spectrométrie de masse (Maldi-Tof MS) a permis d’obtenir des profils spectraux des isolats avec des pics correspondant à des protéines ribosomales et des bactériocines (peptides ou protéines synthétisés naturellement par certaines bactéries) (éléments semblant être corrélés à la voie de transmission). Toutes ces données ont été analysées grâce à des algorithmes génétiques qui ont permis de classer ces souches selon l’origine, avec une très bonne précision. Une analyse spectrale se souches de S. uberis issues de mammites cliniques par la technique Maldi-Tof peut permettre d’orienter le praticien en élevage vers un diagnostic de l’origine de la contamination et donc vers les mesures adaptées de contrôle de cette affection. (Esener et al, Scientific Reports, 2018, 8 : 17517).

LAIT : consommation, excès de mucus et troubles respiratoires

Il n’y a pas de preuve (c’est même le contraire !) que la consommation de lait conduit à une sécrétion excessive de mucus, notamment au niveau respiratoire : c’est la conclusion d’un médecin anglais, spécialiste en pédiatrie respiratoire au sein d’un grand hôpital londonien. Cet auteur a réalisé une revue bibliographique autour de ce qu’il considère comme un mythe, à savoir que la consommation de lait conduirait à une sécrétion accrue de mucus au niveau des voies respiratoires, favorisant des pathologies chroniques (maux de gorge, toux, asthme, …). L’épaississement du mucus de l’appareil respiratoire serait due aux interactions de l’émulsion de matières grasses du lait avec les mucines de la salive ainsi qu’à l’action inhibitrice du calcium sur l’hydratation de la mucine du mucus respiratoire. Ces phénomènes ne sont pas réellement démontrés selon l’auteur au vu de la littérature scientifique. De même, la consommation de lait favoriserait-elle l’asthme, notamment chez les enfants et les adolescents ? Le rôle défavorable des lipides du lait sur les échanges gazeux a été invoqué. Sur ce sujet non plus, il n’y aurait pas de confirmation apportée par les publications. (Balfour-Lynn, Archives of Disease in Childhood, 2019, 104 : 91–93).

GP-R-FR-NON-200700031