Brèves de traite – avril 2020

MAMMITES : hyperkératose de l’extrémité distale du trayon et mammite

Des lésions modérées d’hyperkératose de l’extrémité distale des trayons seraient associées à une prévalence inférieure des infections intramammaires ainsi qu’un niveau moyen de comptage cellulaire plus bas que des quartiers sains sans lésions : c’est une des conclusions formulées par une équipe universitaire brésilienne qui a réalisé une revue des publications scientifiques concernant le rôle de l’hyperkératose du bout des trayons comme facteur de risque des mammites cliniques et subcliniques. Ainsi le développement de lésions modérées d’hyperkératose, comme réponse physiologique à la traite, pourrait exercer un certain effet protecteur vis-à-vis de l’infection de la mamelle. En revanche, il ressort clairement de la plupart des études retenues pour cette méta-analyse qu’une atteinte sévère de l’extrémité des trayons (avec une hyperplasie importante de la couche de kératine entourant l’orifice du trayon), conséquence fréquente d’une « surtraite », constitue un facteur de risque des mammites cliniques et subcliniques. Il est donc essentiel pour le vétérinaire, dans le cadre de la prévention des mammites, de réaliser un suivi des lésions d’hyperkératose du trayon, afin de prévenir l’apparition de formes lésionnelles sévères. (Pantoja et al, Journal of Dairy Science, October 2019, 103, in press).

  VEAU LAITIER : des indicateurs précoces de diarrhées néonatales

La consommation de lait, la température corporelle, le nombre et la durée des épisodes de couchage et le temps passé à l’abreuvoir sont potentiellement des indicateurs précoces pertinents des affections néonatales des veaux laitiers.  Des chercheurs néozélandais ont suivi 43 veaux de 4 jours d’âge soit inoculés expérimentalement à 6 jours d’âge avec un Rotavirus, soit non infectés (témoins), avec un suivi individuel clinique, comportemental et alimentaire. Une caméra infrarouge permettait de suivre l’évolution de la température corporelle. La consommation de lait chutait dans les 4 jours précédant l’apparition des premiers symptômes, de même que la température au niveau des épaules. Le nombre d’épisodes de couchage et leur durée augmentaient avant (dès 6 à 7 jours), pendant et après l’apparition des signes cliniques. Concernant la présence à l’abreuvoir, le nombre de visites des veaux inoculés ne variait pas, alors que la durée par visite augmentait. Enfin, il n’a pas été observé de modification du rythme respiratoire avant l’apparition des signes cliniques. (Lowe et al, Journal of Dairy Science, 2019, 102, 6 : 5389-5402).

 TRAITE : la concentration différentielle en cellules somatiques comme indicateur   complémentaire des infections intramammaires

La détection des infections intramammaires en élevage laitier est significativement améliorée quand on associe la concentration des cellules somatiques totales (CCS) et la concentration différentielle des cellules somatiques (CDCS), ceci par rapport à la CCS seule, et de manière générale pour tous les agents pathogènes : une équipe danoise a réalisé un suivi des mammites dans 2 élevages laitiers en mesurant différents paramètres zootechniques, sanitaires et analytiques. Notamment ont été réalisées en laboratoire des cultures bactériennes et des tests PCR afin de mettre en évidence les pathogènes de la mamelle ; à l’aide d’un appareil Fossomatic 7 DC, ils ont évalué pendant 1 an au niveau des quartiers la concentration des cellules somatiques totales, examen utilisé classiquement dans les élevages laitiers, et la concentration différentielle des cellules somatiques qui quantifie plus précisément les polynucléaires neutrophiles et lymphocytes (par différence avec un total de 100 %, on en déduit la proportion de macrophages). La concentration différentielle (CDCS) contribue significativement, en complément de la concentration totale CCS et par rapport à cette dernière seule, à améliorer la détection des mammites, à savoir la proportion de vaches infectées en élevage. Les facteurs de variation de la concentration différentielle sont le stade de lactation (diminution quantitative avec l’avancement de la période lactée), la parité (corrélation négative entre les 2 critères) et le statut infectieux de la mamelle. (Kirkeby et al, Journal of Dairy Science, October 2019, 103, 16523).

 IMMUNITE : mélange de colostrums et santé du veau

Dans les élevages laitiers pour lesquels la concentration médiane en IgG des colostrums est élevée et management optimal, le fait de mélanger les colostrums a un effet minime sur l’immunité passive et la santé du veau en conséquence. Le mélange de prélèvements de colostrum issus de plusieurs vaches laitières est une pratique courante dans les élevages. L’objectif de cette étude réalisée dans une station expérimentale irlandaise était de comparer les concentrations en IgG de colostrum issu de vaches individuelles ou bien provenant de plusieurs vaches, en évaluant les conséquences sur la morbidité et la mortalité des veaux. Un total de 60 veaux a été réparti en 3 groupes avec consommation de colostrum (volume égal à 8,5 % du poids vif) provenant :

  • ❶ de leur propre mère ;
  • ❷ d’une autre mère ;
  • ❸ d’un mélange issu de 3 vaches (avec volumes équivalents).

Le colostrum des vaches sélectionnées pour l’étude devait avoir une concentration en IgG supérieure à 50 mg/ml (déterminée avec un réfractomètre Brix). Etaient analysés les prélèvements de colostrum, de sérums des veaux à la naissance et 24 heures après l’ingestion du colostrum (test d’immunodiffusion radiale). Aucune différence entre les 3 groupes n’a été mise en évidence sur les concentrations en IgG du colostrum (95 à 100 mg/ml), du sérum 24 heures (52 à 56 mg /ml), ainsi que sur le poids des veaux au sevrage. Dans la mesure où la qualité du colostrum est évaluée avant l’administration, en ne sélectionnant que les prélèvements à concentration en IgG supérieure à 50 mg/ml, le fait de mélanger les colostrums, malgré un effet de dilution, ne réduit pas les teneurs en IgG et n’a pas d’impact négatif sur croissance et santé des veaux. Cette technique de management du colostrum peut être envisagée dans des troupeaux de grande taille à haut statut sanitaire (avec un statut sain des vaches prélevées) afin de réduire les temps de travail. (King et al, Journal of Dairy Science, November 2019, 103, in press).

 LOCOMOTION : parage des onglons et ulcères de la sole

Le parage des onglons des vaches laitières autour du tarissement peut contribuer à réduire la prévalence des ulcères de la sole lors de la lactation suivante.  Sur la base d’enregistrements effectués sur plus de 621.000 parages d’onglons au sein de nombreux élevages danois, une équipe de recherche de l’Université d’Aarhus avait pour objectif d’évaluer une éventuelle relation entre parage au tarissement et occurrence d’épisodes d’ulcères de la sole dans les 6 premiers mois de la lactation suivante. Un tiers des vaches enregistrées dans la base faisait l’objet d’un parage des onglons au tarissement. L’incidence de cette affection podale, calculée sur la base des enregistrements, s’est élevée à 6,2 %. Le risque d’un épisode d’ulcère de la sole était 20 % moins élevé lors de parage des onglons au tarissement. Par ailleurs, la parité était également un facteur de risque significatif, avec une plus forte atteinte chez les vaches les plus âgées du troupeau. Des vaches ayant été affectées par des ulcères de la sole lors de la lactation précédente étaient également plus enclines à développer cette affection à la lactation suivante. (Thomsen et al, The Veterinary Journal, 2019, 254 : 105408).

PARASITISME : infestation par la grande douve du foie, production laitière et cétose

Une infestation modérée à massive des vaches laitières par la grande douve du foie entraine une diminution significative de la production laitière, des teneurs en protéines et matières grasses du lait, ainsi qu’une augmentation des taux de β-hydroxybutyrate du lait (BHB) : ce sont les principales conclusions d’une étude allemande réalisée sur la base de 2.340 échantillons de lait de tank, prélevés pour une recherche de l’infection à Fasciola hepatica et provenant de plus de 1.000 élevages laitiers (Holstein) de la Frise orientale (taille moyenne = 110 vaches) entre 2017 et 2018. Ont été ainsi analysés dans le lait les taux d’anticorps contre la grande douve du foie (kit Elisa Idexx) ainsi que les teneurs en acétone et BHB (spectrométrie).La prévalence globale de l’infestation par F. hepatica s’est élevée à respectivement 33 et 37 % en 2017 et 2018. A été mise en évidence une corrélation négative très hautement significative entre infestation et production laitière (- 1,62 kg/vache/jour pour des élevages à forte infestation versus des élevages « négatifs » en Elisa), entre infestation et taux de protéines et matières grasses du lait (- 0,06 kg/vache/jour pour les 2 taux entre élevages fortement infestés et élevages sains). Par contre, la concentration des cellules somatiques (CCS) n’était pas différente entre groupes infestés et sains. Enfin, lors de forte infestation, a été notée une augmentation significative des teneurs en BHB du lait, ce qui n’a pas été observé pour l’acétone. Il convient donc de réaliser un diagnostic différentiel entre cétose et fasciolose lors d’une augmentation des taux de BHB dans le lait. (May et al, Veterinary Parasitology, 2020, 277 : 109016).

REPRODUCTION : effet combiné de mammite et parité sur les pertes en gestation

L’impact défavorable des mammites sur les pertes de gestation est significativement plus élevé chez les vaches laitières de parité égale ou supérieure à 3 :  une équipe universitaire américaine a analysé 1.774 lactations issues de 1.047 vaches Holstein de différentes parités (1 seul élevage). Le diagnostic de gestation était effectué par échographie 33 jours après IA. Les vaches étaient ensuite séparées en 2 lots : « témoins » (confirmées gestantes par palpation transrectale 75 jours après IA), « à problèmes » (diagnostiquées non gestantes par palpation transrectale 47 ou 75 jours après IA). Le statut sanitaire « mammite » était évalué sur 2 périodes : 1 à 42 jours avant la mise à la reproduction, 1 à 75 jours de gestation. Il a été observé un effet combiné significatif sur les pertes en gestation entre occurrence d’une mammite clinique ou subclinique avant IA et parité égale ou supérieure à 3 d’une part, entre diagnostic de mammite clinique ou subclinique pendant la gestation et parité supérieure ou égale à 4 d’autre part. Le coût des pertes en gestation imputable à la mammite était plus élevé chez les vaches de parité supérieure ou égale à 4 atteintes de mammite clinique durant la gestation (196 US $). L’effet combiné de l’exposition à une mammite clinique ou subclinique d’une part et de la parité (à partir de 3 lactations) d’autre part sur les pertes de gestation est supérieur à l’effet engendré par chacun de ces 2 facteurs pris séparément chez les vaches laitières. (Dahl et al, Theriogenology, 2019, 138, in press).

  GENISSE : alimentation des futures génisses dans leur jeune âge et performances

Un élevage en groupe et une alimentation ad libitum (avec du lait de remplacement) des futures génisses avant sevrage optimisent le bien-être animal et les bénéfices économiques : c’est un des nombreux enseignements d’une étude menée dans l’élevage laitier (170 vaches) de l’Université de Liverpool. L’objectif était d’évaluer l’impact de la nutrition et du logement des futures génisses dans leurs premières semaines de vie sur croissance et reproduction ultérieures. Tous les veaux recevaient 3 à 4 litres de colostrum dans les 6 premières heures de vie puis étaient réparties en 2 groupes : ❶ groupe 1 avec élevage en groupe et alimentation à volonté avec un lactoremplaceur via un distributeur automatisé (avec unique tétine) ; ❷ groupe 2 avec élevage en cases individuelles jusqu’à 21 jours d’âge puis élevage en groupe jusqu’au sevrage, et avec un rationnement (2 fois par jour ; 2,5 puis 3 litres de lactoremplaceur à chaque repas). Le sevrage des veaux s’est déroulé respectivement de 63 à 84 jours et de 56 à 63 jours pour les groupes 1 et 2. A partir de 12 semaines, toutes les femelles étaient soumises aux mêmes conditions de logement et d’alimentation. Les animaux ont été suivis jusqu’aux IA fécondantes. La croissance avant sevrage a été significativement supérieure pour le groupe 1 (ad libitum, groupe) versus le groupe 2 dont les veaux ont même perdu du poids dans les 4 premières semaines de vie. Par contre, le risque de développer une affection digestive ou respiratoire avant sevrage était significativement plus élevé pour le groupe 1. Une tendance à un âge plus faible à la première IA a été constatée pour le groupe 1. Enfin, en ce qui concerne les performances de reproduction (excepté l’âge à la puberté), a été relevé un avantage significatif pour les génisses issues de primipares par rapport à celles nées de vaches multipares. (Curtis et al, PLoS ONE, February 2019, 13, 2 : e0191687).

 ENVIRONNEMENT : catégorisation des vaches selon leur niveau d’émission de méthane

La spectrophotométrie infrarouge (MIR) appliquée à des prélèvements de lait est une méthode appropriée pour établir une catégorisation des vaches selon leur niveau d’émission de gaz méthane. Ce projet mené en Suisse, avec des collaborations d’autres pays européens, visait à confirmer l’intérêt de la méthode MIR sur échantillons de lait (méthode alternative utilisée en routine dans les laboratoires d’analyse du lait pour mesurer notamment les taux de Matières Grasse et Protéique) dans la catégorisation des vaches laitières en fonction de leur niveau d’émission de méthane (discriminer les faibles des fortes « émettrices »). L’étude s’est réalisée sur 5 mois avec des mesures sur des périodes de 7, 14 et 28 jours, en comparaison du système GreenFeed (station mobile d’alimentation avec équipement intégré de mesure des gaz émis). Deux régimes alimentaires étaient envisagés dans l’étude (stabulation ou pâturage). Les auteurs ont utilisé une équation de prédiction précédemment publiée par Vanlierde et al (2015) pour estimer les émissions de méthane à partir de l’analyse IR de lait. Les différences entre vaches faibles émettrices de méthane et fortes émettrices a persisté durant toute l’étude, quel que soit le système d’alimentation. Concernant les profils en acides gras volatils, les vaches faibles émettrices présentaient un plus faible ratio acétate/propionate et passaient moins de temps à s’alimenter, en comparaison des vaches fortes émettrices. (Denninger et al, Journal of Dairy Science, 2019, 102, 12, 11751-11765).

BIEN-ÊTRE : stress thermique et immunité chez la vache laitière 

Le stress thermique (« de chaleur ») impacte négativement le système immunitaire de la vache laitière en réduisant notamment les productions d’anticorps, de cytokines et de chimiokines. Cette revue bibliographique australienne confirme l’impact majeur d’un stress de chaleur sur le statut immunitaire de la vache laitière : alors qu’un stress « aigu » peut avoir un rôle stimulant de l’immunité, un stress de chaleur « chronique » aurait un rôle inhibiteur sur la capacité du système immunitaire à maintenir l’homéostasie. Le stress thermique, à travers un relargage important de cortisol, altère la fonction immunitaire à médiation cellulaire en inhibant l’expression des gènes impliqués dans l’activation des lymphocytes T et la production de cytokines (par exemple les interleukines et interférons). Ainsi le cortisol joue un rôle à la fois dans la régulation de la réponse anti-inflammatoire et dans les effets immunodépresseurs, ceci lors d’un stress « de chaleur » chez des vaches laitières. Cet impact défavorable d’un stress thermique sur les réponses immunitaires (cellulaire et humorale) peut être modulé en développant une stratégie nutritionnelle optimisée et une conduite d’élevage adaptée (par exemple en utilisant un système de refroidissement des animaux). (Bagath et al, Research in Veterinary Science, 2019, 126, 94-102).

GP-R- FR-NON-200400012