Brèves de traite – octobre 2021

PARASITISME : sérologie grande douve, prévalence intra-troupeau et production laitière

Une indication de la prévalence de l’agent de la grande douve du foie (Fasciola hepatica) dans un troupeau laitier peut être obtenue grâce à la réalisation d’une sérologie vis-à-vis de ce parasite, de type ELISA sur lait de tank. Ce sont les conclusions d’une étude de terrain réalisée d’abord dans 218 élevages laitiers en agriculture biologique entre 2014 et 2017 dans lesquels ont été prélevés des échantillons de lait de tank analysés ensuite par un test ELISA mesurant les anticorps anti-F. hepatica (Idexx). Puis des prélèvements ont été réalisés dans 55 élevages déjà enquêtés dans la première partie de l’essai : soit individuels à raison de 4 à 7 prélèvements par troupeau, soit collectifs au niveau du tank, tous ces échantillons étant soumis au test ELISA. Les troupeaux infestés par F. hepatica (sérologie de tank positive) se caractérisaient par une production laitière individuelle (corrigée à 305 jours de lactation) réduite en moyenne de 580,8 kg. Les vaches les plus âgées (3ème lactation et plus) positives au test ELISA individuel avaient en moyenne 919,5 kg de production laitière (base 305 jours) en moins par lactation ; aucune association significative entre sérologie individuelle positive et production laitière (base 305 jours) des vaches n’a été observée pour les 1ère et 2ème lactations. Une relation significative, non linéaire, a été observée entre les valeurs des sérologies ELISA de lait de tank et la prévalence intra-troupeau de l’infestation, avec une catégorisation possible des troupeaux en fonction de valeurs S/P (« cut-offs »). (Takeuchi-Storm et al, Veterinary Parasitology, 2021, 109374 ; https://doi.org/10.1016/j.vetpar.2021.109374).

BREBIS LAITIÈRE : facteurs de risques des mammites subcliniques

Le stress thermique (index température-humidité), le mode de traite, le type d’agent pathogène impliqué, l’âge des brebis et le stade de lactation ont eu un effet significatif sur la concentration en cellules somatiques (CCS) du lait, tandis que seuls la classe d’âge des brebis et le mois de lactation avaient un impact significatif sur la survenue de mammite subclinique (définie par la combinaison d’une CCS ≥ 400.000 cellules/ml et d’une quantité ≥ 250 ml de CFU ou Colony Forming Unit de 1 ou 2 agents pathogènes). Ce sont les conclusions de l’étude menée par des scientifiques grecs dans 20 élevages de brebis laitières conduits en mode extensif ou semi-intensif, appliquant soit une traite automatisée ou bien mobile ou encore manuelle.Des prélèvements de lait étaient réalisés dans chaque élevage, chaque mois, sur les 2 premières lactations de 20 brebis (10 primipares + 10 multipares), soit au total 9.624 échantillons de lait collectés. Le diagnostic de mammite subclinique a été établi sur 53 % des prélèvements de lait, avec une prédominance des Staphylocoques. Une corrélation positive significative a été trouvée entre la CCS et le comptage bactérien total. (Tzanidakis et al, Small Ruminant Research, 2021, 106341 ; https://doi.org/10.1016/j.smallrumres.2021.106341).

IMMUNITÉ : réfractométrie sur veaux recevant du colostrum ou un colostro-remplaceur

De faibles concentrations en protéines sériques totales chez des veaux laitiers alimentés avec un colostro-remplaceur ne sont pas bien corrélées avec un défaut de transfert d’immunité passive, défini par des concentrations en IgG sériques < 10 mg/ml. Des études plus approfondies sont nécessaires afin de définir un seuil de protéines sériques totales en deçà duquel on peut conclure à un mauvais transfert des anticorps passifs au veau alimenté avec un colostro-remplaceur. L’objectif de cette étude conduite à l’Université de Guelph (Canada) était d’évaluer les performances des mesures de protéines totales sériques (STP) par réfractométrie pour estimer un défaut de transfert d’immunité passive (FTPI) sur des veaux laitiers alimentés par le colostrum maternel (CM) ou par un colostro-remplaceur (CR). L’essai a inclus près de 2.200 veaux, avec une mesure des protéines sériques par réfractométrie digitale et des Ig G sériques par immunodiffusion radiale. Un FTPI était défini par une concentration en IgG sérique < 10 mg/ml. Les concentrations moyennes des STP étaient de 5,80 et 5,14 g/dl respectivement pour les veaux CM et CR ; les IgG sériques étaient de 22,81 et 12,78 mg/ml respectivement pour les veux CM et CR.  La corrélation était élevée entre STP et FTPI pour les veaux CM, mais faible pour les veaux CR.  Un seuil de STP pouvant définir un FTPI serait de 4,9 g/dl pour un veau CR, alors que de nombreux auteurs le définissent à 5,2 g/dl pour une mesure à 24 heures de vie. (Lopez et al, Journal of Dairy Science, 2020, 104 ; https://doi.org/10.3168/jds.2020-18947).

MAMMITES : clones de S. aureus, virulence des souches et prédiction de mammites

La caractérisation au laboratoire des clones de Staphylococcus aureus et de leurs gènes de virulence permet de prédire la probabilité d’apparition de mammites cliniques faisant suite à une infection par cette bactérie et met en évidence le bénéfice potentiel de développer des outils de diagnostic pour identifier ces clones de S.aureus en cas de mammite chez la vache laitière.  Une vaste étude entreprise à l’échelle européenne (11 pays) par de nombreux laboratoires (dont Labocéa pour la France) a eu pour objectif d’évaluer de possibles corrélations entre une analyse génomique de souches de S. aureus (type de clones, gènes de virulence) et l’expression sous forme de mammite clinique ou subclinique en élevage laitier. Au total une collection d’isolats a été analysée, provenant de mammites cliniques (125 souches) et subcliniques (151 souches).  Un nombre limité de clones est impliqué dans les mammites, le clone CC479 (11,6 % des souches ; non isolé par Labocéa) étant significativement associé à des formes cliniques, le clone prédominant CC151 (29,3 %) étant de manière équivalente impliqué dans les mammites cliniques et subcliniques. En France, les clones CC151 et 97 représentaient la moitié des isolats. (Hoekstra et al, Scientific Reports, 2020, 10 :18172 ; https://doi.org/10.1038/s41598-020-75179-2).

TRAITE : indicateurs d’une mammite chronique en traite robotisée

En élevage laitier pratiquant une traite robotisée, un délai de 3 à 4 semaines suivant l’inflammation mammaire initiale doit être appliqué pour discriminer une mammite guérie d’une mammite chronique, en utilisant les indicateurs d’inflammation suivants : conductivité électrique, Concentration en Cellules Somatiques du lait (CCS).  Une équipe suédoise a compilé des données issues de la base du fabricant de robots de traite DeLaval dans 15 élevages équipés provenant de 5 pays européens et du Canada, ceci entre 2016 et 2019. L’objectif était de mettre en évidence des dynamiques d’inflammation comparées entre vaches ayant guéri d’une mammite initiale et animaux évoluant vers un statut chronique de la mammite, grâce à des indicateurs pertinents en relation avec la traite robotisée. Ainsi les auteurs ont analysé 2.584 cas de mammite de 4 semaines avant jusque 12 semaines après l’inflammation initiale : ils ont mesuré le lait écarté du tank, la conductivité électrique et la CCS (seuil de 200.000 cellules/ml défini pour caractériser l’inflammation initiale).  Dans le groupe de vaches guéries de la mammite, on a observé une stabilisation des valeurs de conductivité et de CCS dans les 3 à 4 semaines suivant le diagnostic initial d’inflammation mammaire. (Bonestroo et al, Journal of Dairy Science, 2020, 104 : https://doi.org/10.3168/jds.2019-18054).

GÉNISSES : conditions de logement avant sevrage, santé et performances ultérieures

Le logement des génisses par 2, versus individuel, avant sevrage, a des effets bénéfiques sur la croissance pondérale et le comportement (temps de couchage) de ces futures laitières jusqu’à 16 semaines d’âge. C’est la conclusion d’une équipe de l’Université du Minnesota (USA) qui a suivi en 2018, sur le plan de la santé, des performances et du comportement, 24 veaux laitiers femelles (Holstein et croisées) de la fin de l’alimentation colostrale jusqu’à 16 semaines d’âge. Les futures génisses étaient réparties équitablement selon 2 types de logement : par paire (2 niches distinctes dans un même espace extérieur clos) versus individuel (1 niche sur un terrain extérieur fermé). Les animaux étaient nourris à raison de 4 litres de lait par jour puis sevrés à 50 jours d’âge ; les veaux restaient ensuite dans leur groupe de départ jusque 16 semaines d’âge (6 femelles/groupe). Le gain de croissance quotidien des veaux femelles élevés par paire, par rapport à l’élevage individuel, a été de 150 grammes/jour jusqu’au sevrage. Dans les 24 heures suivant leur sevrage, les animaux élevés par 2 ont eu des périodes de couchage plus longues (14.3 versus 11 heures/jour). Cette étude montre de manière originale que les avantages en termes de performances et vie sociale de futures génisses élevées par paire avant sevrage se maintiennent durablement en période post-sevrage. (Knauer et al, Journal of Dairy Science, 2020, https://doi.org/10.3168/jds.2020-18928).

ÉLEVAGE BIO : impact sanitaire et économique des mammites subcliniques

En élevage laitier conduit en agriculture biologique, les mammites subcliniques du premier mois de lactation ont un impact défavorable sur la production laitière, le taux de réforme, la mortalité et le niveau des cellules somatiques du lait sur toute la lactation, sans dégrader cependant la fertilité. Une étude a été menée par les Universités du Texas et du Minnesota (USA) dans 2 élevages laitiers « bio » (certifiés par l’USDA). Au total, 1.411 vaches laitières, ayant vêlé entre juin 2018 et mai 2019, ont été suivies sur 10 mois de leur lactation. Les vaches ayant une Concentration en Cellules Somatiques (CCS) supérieure à 200.000 cellules/ml de lait dans leur premier mois de lactation étaient considérées comme atteintes de mammite subclinique. La production laitière moyenne sur la durée de l’étude a été réduite chez les vaches infectées par rapport aux vaches saines (31.8 versus 33.1 kg/jour). Le risque de réforme ou mortalité était multiplié par un facteur de 1.82 chez les vaches à mammite en comparaison des saines. Le niveau élevé de la CCS durant toute la lactation avait été observé également durant les 3 mois de la lactation précédente, ce qui peut s’expliquer par l’absence de prévention ou traitement au tarissement. L’absence d’effet négatif sur la fertilité, contrairement à ce que l’on observe souvent en élevage conventionnel, peut s’expliquer par le plus faible niveau de production laitière dans ces élevages. (Fernandes et al, Journal of Dairy Science, 2020, https://doi.org/10.3168/jds.2020-19153).

ÉCONOMIE : pertes de production laitière et niveau en cellules somatiques du lait

L’estimation de la perte totale de production laitière du troupeau en relation avec le statut infectieux de la mamelle ne devrait pas être réalisée à partir de la concentration en cellules somatiques (CCS) du tank, car la perte en lait dépend des valeurs individuelles de comptage cellulaire et de la parité moyenne du troupeau. Par conséquent, il est impératif que la perte de lait soit calculée sur une base rapportée à la vache.  L’objectif de l’étude menée par l’Université de Guelph (Canada) était d’estimer le revenu laitier potentiellement récupérable par vache pour un troupeau évoluant d’un niveau moyen de CCS donné à un niveau inférieur (soit vers une situation sanitaire améliorée). Les auteurs ont analysé les données de plus d’un million de vaches laitières provenant de 3.700 élevages entre 2009 et 2019 (valeur moyenne de CCS : 187.000 et 171.000 cellules/ml respectivement à l’échelle de la vache et du troupeau). La publication fait état d’équations de calcul permettant d’estimer les gains de production laitière par vache quand on améliore la valeur moyenne de CCS du troupeau. Par exemple, on estime que la production laitière quotidienne par vache augmente de 0,09 kg si la proportion de vaches du troupeau avec une CCS supérieure à 200.000 cellules/mL peut être réduite de 20-30% à 10-20% pour des troupeaux avec une CCS de tank entre 275.000 et 300.000 cellules/mL. Le bénéfice annuel d’une réduction de la CCS du tank augmente avec le prix du lait et l’ampleur de la réduction souhaitée de cette même CCS. (Chen et al, Journal of Dairy Science, 2020, 104 : 18517).

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