Quelle est la perception des vétérinaires praticiens français de leur rôle dans les élevages « bio » et quelles sont les opportunités pour développer leur offre de service ?

L’objectif de cette étude mené en France (région Grand Ouest) était d’identifier le rôle joué aujourd’hui par les vétérinaires dans les élevages en agriculture biologique (AB), notamment en termes de programme de gestion de la santé, d’identifier également les acteurs associés à l’AB impactant potentiellement le rôle joué (ou non) par les vétérinaires et enfin, d’identifier les leviers pour améliorer la part et le rôle joués par les vétérinaires dans les élevages AB.

Dans ce but, les auteurs ont mené des entretiens semi-directifs avec 14 vétérinaires praticiens localisés en Bretagne Pays de la Loire ou Normandie. Pour être inclus dans l’étude les vétérinaires devaient (i) avoir des éleveurs AB dans leur clientèle et (ii) offrir déjà au moins à leurs éleveurs conventionnels des offres de services autres que curative (suivi troupeau, reproduction, qualité du lait, alimentation, parage, etc…). Les entretiens abordaient successivement, les perceptions des vétérinaires sur les éleveurs AB, les aspects liés à l’AB (cahier des charges notamment) qui pourraient éventuellement expliquer la perception des vétérinaires ou même influencer la nature du partenariat actuel, et enfin, les opportunités, leviers et envie des vétérinaires à s’investir plus dans ce secteur.

Il en ressort les résultats principaux suivants :

  • La majorité des vétérinaires interviewés déclaraient intervenir dans les élevages AB de leur clientèle de façon épisodique, presque uniquement pour des motifs d’urgence ou de cas aigu/suraigu à l’échelle du troupeau. Le suivi de reproduction était l’offre la plus répandue. Les vétérinaires avaient également finalement un faible nombre d’éleveurs AB dans leur clientèle, limitant leur expérience sur le sujet en termes de services proposés (refus, efficacité). Les avis des vétérinaires divergeaient sur la perception de la pertinence ou de la plus-value de certains aspects du cahier des charges. Beaucoup des vétérinaires interviewés regrettaient également que les éleveurs AB ne les appellent pas ou peu. Mais les situations décrites soulignent aussi la grande diversité des situations et expériences (situation dégradée ou améliorée, éleveurs interventionnistes ou non, etc…) rendant impossible tout généralisation.
  • Certains vétérinaires interviewés considéraient le niveau sanitaire ou de bien-être animal dégradés chez certains de leurs éleveurs AB, mais ils n’étaient pas pour autant toujours en mesure d’établir eux-mêmes un plan de maitrise. Et ce, pour plusieurs raisons: ils n’étaient pas forcément identifiés par l’éleveur comme l’interlocuteur privilégié et compte-tenu de la perception des contraintes imposées par le système AB, la formulation de plan de maîtrise n’était pas toujours aisée (exemple du recours aux traitements ou médecines complémentaires ou alternatives). De plus, certains aspects du cahier des charges liés à l’agronomie sont des domaines inconnus ou éloignés pour les vétérinaires. L’aspect médecine complémentaire est un terrain sur lequel tous les vétérinaires reconnaissent ne pas être à l’aise pour accompagner les éleveurs.
  • Certains vétérinaires interviewés considéraient également que l’intérêt économique pour leur structure à s’investir spécifiquement pour ce segment de la clientèle était insuffisant ou incertain notamment compte-tenu du faible nombre d’éleveurs dans leur clientèle (ente 2 et 20).
  • Des pistes d’amélioration ont été identifiées comme l’adaptation aux éleveurs AB des services déjà proposés à leurs éleveurs conventionnels, une démarche plus pro-active à leur égard afin d’être perçus plus facilement comme un interlocuteur privilégié et compétent de même que de s’insérer dans des systèmes d’accompagnement/formation déjà existant (groupes d’éleveurs, formations chambres d’agriculture, …). Un élément clé semble être aussi le temps nécessaire afin de s’imprégner des spécificités du système et de l’approche pour mieux appréhender les contraintes et ainsi adapter les services.

En conclusion

Il ressort dans les conditions de cette étude que bien que les vétérinaires dispensent au quotidien des conseils de gestion de la santé des bovins dans tous les élevages, leur rôle en tant que conseiller santé est limité en élevage en agriculture biologique. Du fait de leur expérience limitée dans ces élevages, leur perception semble fortement influencée par les situations dégradées (sanitaire, bien-être) parfois rencontrées et les pousse à mettre en question la pertinence de certains aspects du cahier des charges AB. Le dialogue, bien qu’existant parfois, semble ainsi freiné par des visions et valeurs différentes. La nécessité d’adapter l’offre de services (préventive notamment) aux spécificités des éleveurs en AB semble un préalable indispensable.

Résumé Article “Perceptions of French private veterinary practitioners’ on their role in organic dairy farms and opportunities to improve their advisory services for organic dairy farms.” Duval J.E., Bareille N., Fourichon C., Madouasse A., Vaarst M. Preventive Veterinary Medicine, 2016, (33): 10-21.

GP/FR/ORUM/0217/0024