Quelles sont les conséquences d’une réduction de la fréquence de traite en termes de production et de conduite du troupeau ?

L’objectif de cette revue réalisée par des chercheurs néo-zélandais et français était d’analyser l’impact d’une réduction de la fréquence de traite (passage d’un rythme de deux traites par jour à une seule traite par jour), pratique adoptée parfois dans des systèmes recourant beaucoup au pâturage ou ne focalisant pas sur le niveau de production par vache. Les auteurs se sont intéressés notamment aux conséquences de cette pratique sur les performances de production  et de reproduction des animaux, leur santé et plus globalement sur la conduite du troupeau.

Les conséquences de la mono-traite sont précisées ci-après.

En termes d’impact sur la production laitière

  • Le passage d’une traite biquotidienne à la mono-traite est associé à une perte de production d’ampleur variable, selon le stade de lactation durant lequel il s’applique (jusque 40% en début de lactation et 7 % en fin de lactation). En moyenne, dans des études portant sur une courte période, la perte à court terme a été de 22 %. Quelques études ont permis d’analyser cette pratique sur une lactation entière; dans les cas d’une mono-traite réalisée sur une lactation entière, la perte de production a été en moyenne de 34 % (22-50 %).
  • Cet effet est éminemment variable selon la race, la parité et le stade de lactation. Si la perte de production concerne toutes les races, l’impact est moindre sur les Jersiaises et les Montbéliardes en comparaison aux Holstein (en lien avec un effet niveau de production). Une variabilité interindividuelle très forte existe également laissant présager la possibilité de sélectionner des vaches répondant mieux à la mono-traite (index disponibles dans certains pays). L’effet de la mono-traite est logiquement moins marqué en fin de lactation. Par contre, l’effet est plus marqué sur les primipares (pourtant produisant moins), sans que l’on puisse avancer d’explication. Un tarissement bien conduit en fin d’une lactation mono-traite permet de restaurer le potentiel mammaire sur la lactation suivante. Une traite de type trois fois en deux jours donne des résultats similaires ou proches d’une mono-traite en début de lactation.

En termes d’impact sur la qualité du lait

La majorité des études rapporte une augmentation des taux (TP, TB) et une baisse de la concentration du lait en lactose. L’augmentation des taux est probablement due à un effet « concentration », induit par la baisse de production laitière.

La baisse de la concentration du lait en lactose est peut-être liée à une moindre expression génique d’enzymes régulant la synthèse du lactose, à une moindre assimilation du glucose dans la mamelle et à une moindre étanchéité des jonctions entre cellules épithéliales, permettant alors de plus fortes concentrations sanguines de glucose.

Au final, les quantités de matière protéique, de matière grasse et de lactose sont plus faibles lorsque les vaches sont conduites en mono-traite. L’impact potentiel des modifications de composition de lait obtenu en mono-traite sur la transformation est peu documenté.

Un moindre taux d’acides gras libres pourrait être bénéfique pour la production de crème et de beurre. Les conséquences sur le temps de coagulation et la fermeté du caillé sont variables selon les études. Il ne semblerait pas qu’il y ait de modification de qualités gustatives des fromages. Une concentration plus importante du lait en lactoferrine et autres molécules à effet immunitaire est observée pour des laits en mono-traite, ce qui pourrait constituer une opportunité sur le plan marketing.

En termes d’impact sur la nutrition

Peu d’études sont disponibles sur ce sujet, bien qu’une ingestion moindre soit attendue. En revanche,  plusieurs études rapportent des poids vifs et des notes d’état corporel supérieures et un déficit énergétique en début de lactation moindre chez les vaches en mono-traite en comparaison aux vaches en traite biquotidienne.

En termes d’impact sur la reproduction

Théoriquement, un déficit énergétique moindre pourrait entrainer des performances de reproduction meilleures, notamment en termes de reprise de cyclicité et d’expression des chaleurs. Une amélioration des performances a été le plus souvent rapportée (moindre fréquence d’anœstrus post-partum essentiellement, parfois amélioration du taux de gestation) mais de façon non systématique. Aucune étude n’a en tout cas rapporté d’effets néfastes de la mono-traite sur les performances de reproduction.

En termes d’impact sur la santé et le bien-être

  • Bien que le déficit énergétique soit moindre, aucune étude n’a rapporté d’incidence moindre de troubles métaboliques ou de troubles infectieux (en lien avec l’immunosuppression liée au déficit énergétique).
  • La mono-traite est associée à une augmentation des concentrations en cellules somatiques (CCS) sans toutefois que soit observée une augmentation de la fréquence de mammites cliniques. Une fréquence moindre de boiteries, liée à une prévalence plus faible de lésions du sabot (type ulcère de sole, maladie de la ligne blanche) est notée chez les vaches en mono-traite (probablement en lien avec un amaigrissement moindre en début de lactation et un niveau de production plus bas).
  • En terme de bien-être, à l’exception de certaines vaches fortes productrices qui en mono-traite peuvent montrer de l’inconfort lié à la distension de la mamelle, l’ensemble des autres indicateurs de bien-être ne sont pas affectés par la mono-traite.

En conclusion

Il ressort de cette synthèse bibliographique que la mono-traite entraîne des pertes de production comprises entre 7 % et 40 %, fonction de différents facteurs, tels la race, le rang et le stade de lactation. Cette pratique apporte une certaine flexibilité aux éleveurs, diminue l’intensité du déficit énergétique de début de lactation et pourrait parfois améliorer les paramètres de reproduction. Si elle est associée à une augmentation des concentrations en cellules somatiques, la mono-traite ne semble pas associée à une fréquence plus élevée de mammites cliniques. Il s’agit là, pour les éleveurs, d’une alternative en situation de production extensive ou lors de période au cours de laquelle la main d’œuvre vient à manquer.

Référence : Résumé Article “Invited review: Reduced milking frequency: milk production and management implications”. Lyons N.A., Kerrisk K.L., Garcia S.C. Livestock Science, 2014, (159) : 102-116.

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