Quels sont les facteurs influençant le choix de la durée de traitement antibiotique des mammites par les éleveurs ?

L’objectif de cette étude menée aux Pays-Bas était d’investiguer les raisons sociales supportant le choix fait par les éleveurs, très fréquemment, d’allonger la durée du traitement des infections intramammaires et ce, malgré le fait de sortir des règles de l’AMM et d’augmenter le coût du traitement et des pertes associées (lait écarté notamment).

Dans ce but, les auteurs ont mené des entretiens semi-directifs auprès de 38 éleveurs bovins laitiers conventionnels (17 aux Pays-Bas et 21 en Allemagne). Les thèmes abordés lors de ces entretiens concernaient le diagnostic des mammites, leur traitement et notamment leur durée, les éventuels changements récents de procédure et leurs motivations, la perception  positive ou négative des conseillers et la nature des conseils et informations recueillies, leur connaissance de la réglementation sur les antibiotiques et leur degré de satisfaction par rapport aux traitements effectués.

Il en ressort principalement les résultats suivants :

  • Parmi ces 38 éleveurs, 30 indiquaient allonger de façon habituelle les durées de traitement au-delà des recommandations de l’AMM et sept rapportaient le faire parfois.
  • La majorité des éleveurs étaient sensibles aux normes sociales « établies » par les autres éleveurs et notamment au fait d’être reconnu et perçu comme un « bon éleveur ».
  • En ce sens, l’allongement de la durée du traitement était perçu/formulé comme un élément de la norme sociale permettant d’être considéré comme un bon éleveur.
  • Les éleveurs interrogés considéraient que la persistance de signes cliniques visibles à la fin de la durée de traitement classique n’était pas tolérable. En conséquence, ils allongeaient la durée du traitement, le plus souvent en réitérant le traitement initial.
  • Les éleveurs, notamment ceux pouvant être considérés comme les plus « animaliers » ont exprimé leur insécurité concernant le domaine du traitement des mammites. Quand commencer un traitement et surtout quand l’arrêter, en étant sûr que la vache traitée pour mammite soit guérie est leur préoccupation majeure. Ils estiment d’ailleurs ne pas avoir suffisamment de données ou de méthodes fiables pour en juger.
  • Cette insécurité est à l’origine d’une confiance plus grande accordée aux conseils de collègues ou aux résultats scientifiques également rapportés par leur vétérinaire sur le fait que de façon générale, les durées de traitement plus longues sont associées à de meilleurs taux de guérison. Ces données scientifiques deviennent alors la norme sociale à suivre pour se sécuriser/rassurer et être perçu comme un bon éleveur faisant tout ce qu’il lui est possible de faire pour traiter au mieux ces mammites.
  • Le sentiment de sécurité conféré par cet allongement du traitement l’emporte sur les aspects financiers liés à cet allongement (coût du traitement et lait écarté).
  • Les éleveurs enfin déclaraient percevoir de façon positive les messages reçus de leurs collègues (notamment de groupes pilotes éclairés) ou de leurs conseillers proches comme leur vétérinaire, tandis que les attentes et avis sociétaux pouvaient être jugés négativement.

En conclusion

Il ressort dans les conditions de cette étude que les éleveurs enquêtés accordaient beaucoup d’importance à être considérés comme de « bons éleveurs » et de ce fait étaient très sensibles aux pratiques et mesures conseillées/préconisées par leurs collègues ou leur vétérinaire. En ce sens, l’allongement de la durée de traitement était en grande partie motivé par le souhait d’être perçu comme un « bon éleveur, faisant ce qu’il faut pour soigner et guérir les vaches atteintes de mammites ».

Les auteurs concluent que le changement de pratiques permettant un usage prudent et raisonné des antibiotiques doit être supporté par la mise à disposition de données nouvelles d’efficacité des traitements, en fonction de la nature des germes. Cette diffusion doit alors passer par des groupes pilotes de référence associant éleveurs et vétérinaires.

Référence : Résumé Article “Social influences on the duration of antibiotic treatment of clinical mastitis in dairy cows” Swinkels J.M., Hilkens A., Zoche-Golob V., Krömker V., Buddiger M., Jansen J., Lam T.J.G. Journal of Dairy Science, 2015, (98) :1-12.

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