Quel est l’intérêt de la mesure de la rumination et de l’activité pour l’identification des affections digestives, métaboliques, des mammites et des métrites chez la vache laitière ?

L’objectif de cette étude menée aux Etats-Unis était d’évaluer l’intérêt des alertes générées par un collier embarqué sur les bovins (HR tags, SCR Dairy, Netanya, Israël) mesurant en continu la rumination et l’activité pour la détection de différents troubles de santé: les affections métaboliques et digestives, les mammites et les métrites, chacun de ces blocs d’affection faisant l’objet d’un article différent. Le matériel et méthodes utilisé étant identique, ces 3 articles sont résumés en un seul au format long. Les auteurs ont ainsi mené leur étude dans le troupeau de l’université de Cornell de Novembre 2013 à Octobre 2014. Au total, 1121 vaches (451 primipares et 670 multipares) au niveau de production moyen corrigé 305j de 13 036kg ont été enrôlées dans l’étude.

Chaque vache était équipée d’un collier HR tags au plus tard 3 semaines avant la date prévue de mise-bas et ce jusque a minima 80 jours post-vêlage. Le collier enregistre de façon continue l’activité (nombre sur une échelle arbitraire de 0 à 255) et la rumination (minutes par 2 heures). Toutes les 20 minutes, les données sont transmises à une base centrale qui produit ainsi un score appelé HIS (Health Index Score: Score d’index de santé) sur une échelle arbitraire de 0  à 100, 100 représentant une vache avec un profil parfait de rumination et d’activité. Dès que la valeur HIS est inférieure à 86, le système génère une alerte de santé (qui en pratique doit inciter l’éleveur à examiner la vache). Les animaux faisaient l’objet d’une observation clinique systématique quotidienne à bi-quotidienne durant l’étude et, lorsqu’ils étaient détectés malades ils étaient examinés jusqu’à leur guérison. En plus de l’examen clinique, les animaux faisaient l’objet d’une recherche systématique de corps cétoniques dans les urines dans les 10 premiers jours, et de prélèvement sanguins 11 jours et 4 jours avant le part et le jour du vêlage, 3 jours, 7 jours et 14 jours après pour dosage des AGNE, du béta-hydroxybutyrate, du calcium et de l’haptoglobine. Les maladies suivantes étaient recherchées ainsi systématiquement : rétention placentaire, fièvre de lait, cétose, déplacement de caillette, indigestion, métrite, mammite, pneumonie et boiterie. L’étude n’a pas concerné boiterie, fièvre de lait et rétention placentaire car les auteurs considèrent que ces évènements sont aisément détectés visuellement par l’éleveur. Les auteurs ont ensuite ainsi analysé la sensibilité de l’alerte HIS (valeur < 86), selon que l’animal en alerte présentait ou non une maladie. La spécificité pour chaque maladie n’a en revanche pas été précisée. La sensibilité a été calculée à chaque fois qu’un animal présentait une maladie isolée ou plusieurs troubles concomitants. La précocité de la détection par l’alerte a été également évaluée par rapport à la détection éleveur. De même, le lien avec les variations de production laitière autour du cas clinique ont été évaluées. Pour les mammites, la sensibilité a été de plus évaluée selon le germe en cause (bactériologie lors de mammite clinique), et la gravité de l’atteinte de l’état général a été aussi prise en compte pour les mammites et les métrites.

Il en ressort les résultats principaux suivants :

  • Au final, 3,7% des vaches ont été exclues de l’étude du fait de données aberrantes ou manquantes (perte de collier notamment, mauvaise mise en place)
  • Au total, les données issues de 1080 vaches ont été analysées. Parmi celles-ci, 451 soit 42% n’ont présenté aucun trouble de santé. Parmi les 629 ayant présenté au moins un trouble de santé, 70% n’ont présenté qu’un seul trouble de santé.
  • Les performances de sensibilité de l’alerte HIS variaient beaucoup selon le type d’affection, et notamment sa gravité et sa propension ou non à affecter intensément ou durablement activité et/ou rumination (tableau 1).
  • Par contre, de façon systématique, la détection permise par l’alerte générée était plus précoce que la détection éleveur et ce d’autant plus que pour nombre d’affections (sauf indigestion), la baisse d’activité et de rumination avaient souvent débuté plusieurs jours avant la détection. Dans tous les cas, les vaches malades détectées par l’alerte générée par le collier avaient des profils différents des vaches malades non détectées par le collier. Ces dernières, pour les métrites et les mammites, avaient des profils similaires aux vaches non malades. Les variations de production laitière étaient le plus souvent parallèles et concomitantes des chutes de rumination et d’activité. Elles soulignent l’intérêt potentiel de disposer de cette donnée également pour monitorer les troubles de la santé. Pour les troubles métaboliques et digestifs, l’intensité des baisses de rumination sur les 5 jours précédant la détection était de 30% pour la rumination, 13% pour l’activité et jusque 27% pour la production laitière. Parmi les vaches soufrant de métrites, celles détectées par le collier étaient plus fréquemment, et ce de façon significative, vendues ou non mises à la reproduction à la fois à 60 et à 270 jours de lactation.
  • Les analyses sanguines en B-OH, AGNE, calcium et haptoglobine sont venues confirmer les troubles observés.
  • Pour les mammites, plus l’intensité de l’atteinte clinique attendue était importante (ex E.  coli), meilleure était la détection. On comprend ainsi aisément qu’en abaissant les seuils d’alerte sur rumination et activité, on doit pouvoir améliorer encore les performances de sensibilité su système, qui ne sont pas parfaites, mais cela se ferait au détriment de la spécificité. Toutes maladies confondues (parmi-celles recherchées par les auteurs), la sensibilité globale du système est de 59% [57,5-60,5]. C’est seulement dans la conclusion du troisième article sur les métrites que les auteurs parlent d’une spécificité (toutes maladies et non par maladie) de 98%. Les valeurs prédictives annoncées de l’ordre de 58% pour la valeur prédictive positive et 97% pour la valeur prédictive négative sont calculées de façon discutable dans la mesure où les auteurs se basent sur la prévalence cumulée sur toute l’étude et non pas sur la prévalence du trouble donné le jour donné de l’alerte.

Tableau 1. Sensibilité et précocité de détection associée aux alertes « santé » générées par le collier HR tag sur 1080 vaches

En conclusion

Il ressort, dans les conditions de cette étude, que l’outil HR Tag avec la détermination du HIS (Score d’index de santé) peut s’avérer intéressant dans le monitoring du troupeau. Il présente cependant des valeurs de sensibilité variables selon les maladies (55% pour les mammites vs 98% contre les déplacements de caillette à droite), et parfois selon les pathogènes (80% pour une mammite causée par E. coli vs 45% pour une mammite causée par un germe Gram positif). Ces résultats confirment que le degré d’atteinte de l’état général (mesuré par le collier) est bien le point critique dans le système de détection. Plus l’impact sur l’état général est grand, meilleure est la sensibilité, même si, en pratique, ces cas graves ne sont que rarement manqués par l’éleveur. Un point intéressant de l’outil est la précocité des alertes « santé ». En effet, la détection permise par l’alerte générée était systématiquement plus précoce que la détection éleveur. Un point qui aurait mérité d’être plus développé dans ces articles est la spécificité du système. Les auteurs évoquent cependant une spécificité globale de 98% vis-à-vis de l’ensemble des maladies étudiées (déplacements de caillette, cétoses, indigestions, mammites et métrites) mais ne la précisent pas par maladie. Cette question de spécificité est importante pour les utilisateurs. Différentes études montrent en effet que les éleveurs sont attachés à disposer de systèmes de détection non ou peu générateurs de fausses alertes car trop de fausses alertes entrainent alors une perte de confiance des éleveurs vis-à-vis de ces outils. Les résultats concernant les variations parallèles de la production laitière militent pour l’analyse combinée de tous les indicateurs disponibles afin d’optimiser la sensibilité et la spécificité, selon les combinaisons choisies et les profils recherchés. C’est possible par exemple avec l’utilisation de robots de traite (à noter que Lely a intégré dès décembre dernier dans son logiciel T4C l’HIS). Cet outil, ou d’autres systèmes de même type, ne peuvent en l’état se substituer à l’éleveur. Ils doivent être pris comme des éléments permettant de pré-cibler des animaux d’intérêt, dans un contexte d’agrandissement des troupeaux, et doivent être vus en complément de l’œil de l’éleveur, qui reste indispensable.

Résumé Article “Use of rumination and activity monitoring for the identification of dairy cows with health disorders: Metabolic and digestive disorders / Mastitis / Metritis”
Stangaferro M.L, Wijma R., Caixeta L.S., Al-Abri M.A., J.O. Giordano
Journal of Dairy Science, 2016.
doi/10.3168/jds.2016-10907
doi/10.3168/jds.2016-11352
doi/10.3168/jds.2016-10908

GP/FR/ORUM/0117/0002