Au cœur du lait

Brèves de traite – octobre 2022

ECONOMIE : impact économique de la paratuberculose en élevage laitier

Cette étude à l’échelle internationale estime qu’environ 1 % des revenus bruts laitiers, soit l’équivalent de 33 US$ par vache, sont perdus chaque année dans les troupeaux laitiers touchés par la paratuberculose, ces pertes étant principalement dues à une réduction de la production laitière et étant plus élevées dans les régions caractérisées par les plus fortes productions et les prix du lait les plus élevés. C’est une des conclusions d’une étude de modélisation (à l’aide des méthodes de Monte-Carlo par chaînes de Markov) menée par des économistes de l’Université de Calgary (Canada). Au niveau épidémiologique, les auteurs se sont basés sur les données suivantes de prévalence : 50 % au niveau des troupeaux, 10 % intra-troupeau avec doublement de cette prévalence en 10 ans. Des estimations chiffrées des pertes économiques annuelles ont été réalisées dans certains pays majeurs en termes de production laitière : ainsi pour la France, le montant annuel des pertes liées à la paratuberculose est estimé à 56 millions d’US$. En ce qui concerne la répartition des postes au niveau des pertes, 65 % sont attribuables à des diminutions de production laitière et 24 % à des réformes précoces de vaches. (Rasmussen et al, Journal of Dairy Science, 2020, 104: 19381; https://doi.org/10.3168/jds.2020-19381).

MAMMITES : profil hématologique de la mammite toxique aiguë

La mammite toxique aiguë entraîne de graves modifications du leucogramme, en particulier une leucopénie, une lymphopénie et une prolifération de neutrophiles immatures. Mais le profil sanguin en cellules de la lignée blanche ne permet pas d’avoir une vision pronostique de cette infection. L’objectif de cette étude menée par l’Université de Zürich (Suisse) était de mettre en évidence les différences de profil leucocytaire des vaches atteintes de mammite toxique aiguë et de caractériser une possible différence de profil sur les vaches atteintes en fonction de leur survie ou non à l’infection. Les auteurs ont ainsi comparé 158 vaches malades versus 168 vaches saines. Sur la base d’analyses hématologiques (leucogramme), une plus forte proportion de vaches malades a exprimé les anomalies suivantes : leucopénie, leucocytose, éosinopénie, monocytopénie, lymphopénie, augmentation des populations sanguines de neutrophiles immatures et diminution des concentrations sanguines en neutrophiles. Cependant, le leucogramme des vaches malades n’a pas différé en fonction des chances de survie des animaux, ce qui ne permet pas d’établir un pronostic de l’affection en fonction du profil leucocytaire. (Braun et al, Acta Veterinaria Scandinavica, 2021, 63 : 11 ; https://doi.org/10.1186/s13028-021-00576-0).

DIAGNOSTIC : prévalence et facteurs de risque d’une mauvaise détection d’œstrus

La prévalence estimée d’une détection d’œstrus imprécise au niveau de la vache dans une sélection de troupeaux laitiers en pâturage dominant était faible lors de la première insémination, mais plus élevée lors d’inséminations répétées (« repeat breeding »), avec deux facteurs de risques principaux observés : mauvaise observation du comportement de chevauchement, absence d’abrasion au niveau de la base de la queue et de l’épine pelvienne (« tuber ischii »). Cette étude conduite par l’Ecole Vétérinaire de Dublin (Irlande) avait pour objectif d’estimer la prévalence et les facteurs de risque d’une mauvaise détection des chaleurs conduisant à des inséminations artificielles (IA) non fécondantes. Au total, 984 vaches provenant de 19 élevages laitiers en système de pâturage prédominant ont été suivies, avec réalisation de dosages de progestérone sur le lait au moment des IA. La prévalence globale de ces erreurs de détection a été de 4,7 %, soit 3,3 % pour les IA1 et 14,1 % pour les IA suivantes. L’absence d’abrasion (base de la queue et « tuber ischii ») liée à la monte a été un facteur significatif pour toutes les IA, premières et suivantes. L’absence d’observation du comportement de chevauchement n’a été significative que pour les IA > 1. (Kelly et al, Theriogenology, 2021, 161 : 41-48).

NUTRITION : calcium sanguin, santé globale et performances de reproduction

Les vaches laitières avec de faibles concentrations sanguines en calcium dans les premiers jours de lactation ont aussi de plus faibles teneurs en autres minéraux dans le sang (Mg, Na, K), un bilan énergétique négatif plus prononcé, un plus faible ingéré en matière sèche, une plus forte incidence d’affections post-partum, une fertilité diminuée et un niveau diminué de production laitière en début de lactation. Dans cette étude canadienne, les paramètres de santé et de reproduction de 398 vaches Holstein provenant de 11 élevages laitiers de l’Alberta ont été suivis durant la période post-partum et la lactation. Des prélèvements sanguins ont été réalisés sur les vaches entre deux et sept jours après vêlage pour des analyses notamment de minéraux, protéines, β-hydroxybutyrate (BHB) et de progestérone. Les vaches à faible concentration sanguine en calcium (≤2.10 mmol/l) avaient, par rapport aux autres vaches, des concentrations plus faibles en Mg, Na, K, albumine, globuline, protéines totales et cholestérol, des concentrations plus élevées en urée, BHB et haptoglobine. Elles avaient également plus de risque de développer des pathologies post-partum, exception faite des mammites et déplacements de caillette. Ces vaches à faible teneur sanguine en calcium avaient également un niveau de production laitière plus faible à J25 de la lactation (sans différences à des stades ultérieurs), de moindres chances de cyclicité à J35 post-partum et de réussite à la première insémination (sans différence sur le taux de gestation à 150 jours de lactation). (Gobikrushanth et al, Livestock Science, 2020, 233 : 103946 ; https://doi.org/10.1016/j.livsci.2020.103946).

ELEVAGE BIO : productivité et efficience alimentaire bio versus conventionnel

Cette première comparaison mondiale (compilation de références bibliographiques) entre l’élevage biologique et l’élevage conventionnel met en évidence un niveau de productivité et d’efficacité alimentaire nettement inférieur pour l’élevage laitier biologique par rapport à l’élevage laitier conventionnel. L’objectif de cette étude menée par des équipes de l’INRAE (VetAgro Sup et Bordeaux Sciences Agro) était d’évaluer si les systèmes agricoles biologiques et conventionnels diffèrent en termes de productivité de l’élevage, avec un accent particulier sur l’efficacité de l’utilisation des aliments et la composition alimentaire. Une vaste recherche bibliographique a permis d’isoler finalement 37 comparaisons provenant de 31 études, sur différentes espèces domestiques, essentiellement en Europe. La différence de productivité a été la plus importante pour l’élevage laitier, à savoir – 14 % pour les élevages biologiques versus les élevages conventionnels, sur la base de la production laitière corrigée par l’énergie. L’utilisation d’herbe et de foin était plus élevée pour les élevages bio, au contraire des céréales. L’efficacité alimentaire (soit le rapport quantité de lait/quantité d’aliment consommé), lorsqu’elle est calculée sur l’ensemble de la ration alimentaire, est inférieure de 11 % (± 9 %) dans l’agriculture biologique par rapport à l’agriculture conventionnelle. (Gaudaré et al, Environ. Res. Lett., 2021, 16 : 024012 ; https://doi.org/10.1088/1748-9326/abd65e).

ANTIBIORESISTANCE : pratique de la distribution de lait avec résidus d’antibiotiques au veau

La prévalence de l’alimentation des veaux avec du lait écarté de la collecte dans les élevages laitiers suisses a été estimée à 47,3 % ; elle baisse à 24,5 % si l’on considère uniquement le lait résiduel produit pendant le traitement et jusqu’à la première traite après la fin du traitement antibiotique. Une enquête a été menée auprès de 1 625 producteurs laitiers suisses par l’Université de Berne. Le lait produit pendant et jusqu’à la première traite après la fin du traitement antibiotique ou pendant le délai d’attente a été distribué à certains veaux dans 47,3 % des exploitations enquêtées. Les élevages en production biologique avaient des probabilités plus faibles d’alimenter les veaux avec le lait contenant des résidus d’antibiotiques que les fermes conventionnelles (Odds Ratio = OR = 0,59). Une concentration moyenne annuelle de cellules somatiques (CCS) dans le tank ≥150 000 cellules/ml était associée à une probabilité accrue de distribution du lait écarté aux veaux par rapport à la catégorie de référence de CCS <100 000 cellules/ml (OR = 1,62). Une production laitière annuelle moyenne au niveau de la vache ≥ 8 500 l était associée à une probabilité accrue de distribution de lait écarté aux veaux par rapport aux élevages ayant une production moyenne de 6 500 à 8 499 l de lait (OR = 1,24). (Bernier Gosselin et al, Journal of Dairy Science, 2021, 105 : 20948 ; https://doi.org/10.3168/jds.2021-20948).

REPRODUCTION : métrite, stress oxydatif et production laitière

Les vaches atteintes de métrite au début du post-partum sont exposées à un degré plus élevé de stress oxydatif ; par ailleurs, la présence d’une métrite peut affecter négativement la production laitière et la composition du lait chez les vaches. Une équipe de la Faculté Vétérinaire de Brno (République Tchèque) a évalué le statut oxydant/antioxydant de 21 vaches Holstein atteintes de métrite en comparaison de huit vaches saines témoins, sur la base d’analyses de paramètres sanguins dans les 21 jours post-partum. Une concentration plus élevée de Malondialdéhyde (MDA : marqueur de stress oxydatif) a été enregistrée chez les vaches atteintes de métrite, tandis que les concentrations de vitamine A et de vitamine E étaient inférieures à celles des vaches en bonne santé. Des concentrations plus élevées de β-hydroxybutyrate, acides gras non estérifiés (AGNE), aspartate aminotransférase (AST) et bilirubine ont été enregistrées chez les vaches atteintes de métrite par rapport au groupe témoin. Des différences significatives dans la concentration de bêta-carotène, l’activité Glutathion peroxydase (GPx) et les concentrations de sélénium et calcium chez les vaches atteintes de métrite par rapport au groupe témoin n’ont pas été observées dans la présente étude. La production laitière globale a diminué chez les vaches atteintes de métrite et des altérations de la composition du lait ont également été observées chez les vaches à métrite par rapport aux vaches témoins. (Mikulková et al., Irish Veterinary Journal, 2020, 73: 8).

LOCOMOTION : facteurs de risque des boiteries en système mixte (bâtiment/pâturage)

Les facteurs de risque significatifs des boiteries au niveau de la vache comprenaient un âge avancé (parité croissante) et la prédisposition génétique aux problèmes locomoteurs. Les facteurs de risque significatifs au niveau du troupeau étaient une faible taille de troupeau et une zone de pâturage plus réduite, une prévalence accrue de dermatite digitale (> 5 %), la présence de caillebotis dans les couloirs de passage (50 premiers mètres) et de pierres au début des chemins menant au pâturage, un virage serré dans le couloir après la traite. Le comportement de l’éleveur jouait un rôle également au niveau du troupeau sur la survenue et l’importance des boiteries : sa perception de l’importance des problèmes locomoteurs dans son élevage, le niveau de traitement de ses vaches pour boiterie. Ce sont les conclusions d’une étude conduite auprès de 102 élevages laitiers irlandais sur la base d’un questionnaire détaillé envoyé aux éleveurs puis de visites des élevages durant les périodes de bâtiment et de pâturage. La prévalence des boiteries (notation de 0 à 3) dans les élevages variait de 0,9 % à 31,4 % pendant la période de pâturage et de 0 % à 28 % pendant la période de logement en bâtiment. (Browne et al, Journal of Dairy Science, 2021 ; 105 : 20767 ; https://doi.org/10.3168/jds.2021-20767).

IMMUNITE : contamination microbienne du colostrum

La plupart des bactéries isolées du colostrum étaient soit des hôtes normaux de la peau et des muqueuses, soit des contaminants fécaux, soit des contaminants environnementaux (à savoir respectivement pour chacune des catégories de germes : 82,6 %, 81,9 % et 75,5 % des échantillons de colostrum). Des germes mammaires Gram positifs potentiellement pathogènes ont été trouvés dans 13,5 % des échantillons. Des scientifiques de la Faculté Vétérinaire de Brno ont collecté 1 241 échantillons de colostrum issus de 26 élevages laitiers tchèques et prélevés après la première traite (directement dans des seaux). Une forte contamination microbienne des échantillons de colostrum collectés a été globalement mise en évidence (valeurs médianes) : numération bactérienne totale = 408 000 UFC / ml ; numération totale de coliformes = 200 UFC/ml ; numération totale de bactéries Gram – non coliformes = 80 UFC/ml). Des facteurs de variation significatifs du niveau de contamination bactérienne ont été trouvés : l’élevage, un faible volume de colostrum (< 3 l), la saison (hiver plus défavorable). Escherichia coli a été isolé à partir de 9 % des échantillons de colostrum ; Streptococcus uberis et Streptococcus parauberis ont chacun été isolés dans 5,2 % des prélèvements de colostrum. (Šlosárková et al, Journal of Dairy Science, 2020, 104 : 19949 ; https://doi.org/10.3168/jds.2020-19949).

                                                                                                                                     GP-FR-NON-220900067