Faut-il réécrire les manuels concernant Streptococcus agalactiae dans l’environnement des troupeaux de vaches laitières ?

Ces dernières années, la prévalence des mammites à Str. agalactiae dans les troupeaux scandinaves a augmenté alors que la situation vis-à-vis de ce pathogène semblait très bien maîtrisée à la fin des années 90 (quasi-disparition). Chez les vaches, la mamelle est généralement considérée comme le seul réservoir de cette bactérie. Le programme d’éradication de la bactérie dans un élevage bovin s’appuie sur la mise en œuvre de mesures visant à empêcher la transmission de germes contagieux et le traitement des infections intra-mammaires.

Ce programme est couronné de succès lorsqu’il est décliné dans les étables à couchage entravé, mais non nécessairement dans les élevages norvégiens équipés en logettes. L’objectif de cette étude menée en Norvège de rechercher les différentes sources de Str. agalactiae dans les élevages bovins laitiers, en incluant des endroits du corps des animaux, autres que la mamelle et l’environnement des animaux, afin de pouvoir optimiser ensuite le programme d’éradication de la bactérie.

Dans cet objectif, les auteurs ont inclus, entre mai 2013 et mai 2014, 4 fermes dans une étude longitudinale, fermes sélectionnées sur la base d’un résultat PCR « Str. agalactiae » positif sur lait de tank dans les 6 mois précédents.

En outre, dans ces fermes, conduites par des éleveurs motivés, a eu lieu une confirmation au laboratoire de mammites à Str. agalactiae dans les 6 mois précédents. Ces 4 fermes disposaient pour les vaches adultes de logettes, équipées de tapis en caoutchouc et recouvertes de sciure de bois, et de système caillebotis en béton pour les génisses. Les vaches dans ces 4 exploitations étaient majoritairement de race Rouge norvégienne. Elles étaient traites en système robot et les troupeaux (59 – 75 vaches/troupeau) avaient tous une concentration cellulaire de tank inférieure à 150 000 cellules/mL (en partie du fait du tri du lait).

Des échantillons ont été récoltés à 4 reprises, avec un intervalle de prise entre 2 séries de prélèvements oscillant entre 1 et 2 mois. Chez les vaches, ces échantillons ont concerné le lait composite des 4 quartiers, des écouvillons vaginaux et rectaux.

Chez les génisses et les veaux, des écouvillons rectaux ont été réalisés. Chez les veaux, en plus ont été réalisés des écouvillons au niveau de la gorge.  Enfin, des écouvillons ont été faits sur le robot de traite, le couchage des vaches, les abreuvoirs et les équipements d’alimentation. En parallèle, a été conduite une étude dans 37 autres troupeaux, avec une visite pour la réalisation de prélèvements dans l’environnement. 15 de ces troupeaux étaient infectés par Str. agalactiae, alors qu’aucune mammite à Str. agalactiae n’avait été détectée dans les 2 années précédentes dans les 22 autres cheptels. Tous les échantillons ont donné lieu à une recherche de Str. agalactiae, et 54 échantillons provenant de troupeaux positifs ont été génotypés.

Il en ressort les résultats principaux suivants :

  • Dans les 4 troupeaux sélectionnés pour l’étude longitudinale, la prévalence intra-troupeau vis à-vis de Str. agalactiae  déterminée sur lait composite a varié entre 0 et 9,9%.Tous ont eu au moins un échantillon de lait composite positif vis à-vis de Str. agalactiae à la première visite.
  • Des écouvillons rectaux des vaches laitières ont été trouvés positifs vis à-vis de Str. agalactiae dans 3  des 4 troupeaux. 5% des 860 écouvillons rectaux ont eu une culture positive de la bactérie. 1,1% des 285 écouvillons vaginaux ont été positifs. 1,1% et 3,8% respectivement des écouvillons rectaux et de gorge des veaux nourris au lait ont été positifs.
  • Dans 3 de ces 4 troupeaux, des écouvillons prélevés dans l’environnement se sont révélés positifs, selon une proportion  très variable (25,3%, 3% et 44%).
  • Au final, la proportion d’échantillons positifs dans l’environnement pour ces 4 troupeaux a été élevée: 36,4% des écouvillons réalisés sur le sol du robot, 35,7% de ceux des équipements d’alimentation, 30% de ceux des abreuvoirs, 29,5% de ceux du couchage des animaux et 25,4% de ceux du sol du bâtiment.
  • Dans l’autre étude, aucun des prélèvements réalisés dans l’environnement n’a été positif dans les 22 fermes sans historique à Str. agalactiae dans les 2 années précédentes alors que pour 10 des 15 exploitations avec un historique récent, au moins un des prélèvements de l’environnement s’est révélé positif.
  • Le génotypage a permis de différentier ici 10 types. Les résultats obtenus suggèrent qu’il existe des souches avec des aptitudes différentes  à survivre dans l’environnement et à se transmettre au sein d’un troupeau.

En conclusion

Il ressort que le réservoir de Str. agalactiae dans des élevages atteints de mammites à ce pathogène n’est pas obligatoirement la glande mammaire de façon exclusive. Le tube digestif des bovins et l’environnement de la vache laitière sont aussi des réservoirs de Str. agalactiae chez les bovins.

Il existe 2 cycles de transmission de Str. agalactiae dans les élevages bovins confrontés à des mammites dues à cette bactérie: une transmission par le système de traite et un cycle de transmission oro-fécale, avec l’eau de boisson souvent impliquée. Ces nouvelles données mettent en évidence la nécessité de prendre en compte l’environnement dans les plans d’éradication de Str. agalactiae.

Référence : Résumé Article “Streptococcus agalactiae in the environment of bovine dairy herds – rewriting the textbooks?” Jørgensen H.J.,Nordstoga A.B., Sviland S.,Zadoks R.N.,  Sølverød L., Kvitle B., Mørk.T. Veterinary Microbiology, 2016, (184): 64-72.